De son vivant, le compositeur allemand Johann Adolph Hasse (1699-1783) était une star, célébre en Italie comme Haendel à Londres. C'est à ce musicien aujourd'hui méconnu que le contre-ténor vedette Max Emanuel Cencic a jeté son dévolu pour ce récital d'un grand raffinement, en compagnie de l'ensemble Armonia Atenea placé sous la baguette de George Petrou.Sur les soixante-dix opéras composés par Il caro Sasso (« le cher Saxon »), la plupart à l'attention de sa chère soprano Faustina Bordoni avec laquelle il vécut une quarantaine d'années, le chanteur a dû opérer un choix drastique pour en extraire quatorze pièces d'une grande subtilité vocale. Et il ne fallait pas moins que la souplesse de son organe et la richesse de son timbre pour rendre de telles nuances rococo, de tels affetti suspendus entre les époques baroque et classique. Des airs sostenuto en veux-tu, en voilà et des airs de bravoure brillent sous la voix forte et fleurie du jeune divo ressuscitant le « Notte amica » de l'oratorio Il Cantico de' Tre Fanciulli ou les deux passages exubérants de l'opéra Tito Vespasiano, « Opprimete i contumaci » et « Vo disperato a morte » ou de La Sparta Generosa (« Se un tenero affetto »). Impérial dans le rôle-titre d'Arminio (« Cadro ma qual si mira »), grand dans celui de Il Siroe (« La Sorte mia tiranna »), troublant dans le « Siam navi all'onde » de L'Olimpiade, Max Emanuel Cencic survole ces pièces contrastées avec maestria, usant d'une agilité et d'une puissance peu communes.Il faut en dire autant de l'ensemble et du chef d'orchestre qui mènent à bien le travail d'accompagnement musical en restituant les couleurs et les phrasés d'époque à travers la finesse mélancolique du basson et la joliesse des flûtes, dans les trois mouvements du Concerto pour mandoline, séparant le récital en guise d'entracte. Du travail de réhabilitation à l'interprétation, ce Rokoko : Hasse Opera Arias virtuose et passionné sent le chef d'oeuvre.