Reposant sur de rarissimes et effroyables récits de victimes, cette investigation exceptionnelle révèle le système de viols de masse qui, en Libye, cible les hommes. Une première brèche dans le mur de silence qui entoure cette entreprise de déshumanisation.
Le viol est devenu, depuis une trentaine d’années, une arme de destruction massive en Bosnie, au Rwanda, au Congo et en Syrie. Alors que les femmes et les enfants en sont les premières cibles, dans la poudrière libyenne, ce crime de guerre érigé en système frappe d’abord les hommes. Exilés libyens à Tunis, Emad, un militant, et Ramadan, un procureur, tentent dans la clandestinité de recueillir les preuves d’une barbarie dont les victimes restent emmurées dans l’indicible. À force d’opiniâtreté, ces activistes, aidés par Céline Bardet, une juriste internationale, obtiennent les premiers récits circonstanciés d’une poignée d’hommes qui ont subi ces supplices. Anéantis, le fantomatique Yacine, Nazir ou encore Ahmed livrent des bribes effroyables de leur histoire et de leur intimité saccagée. La voix brisée, ils racontent les prisons clandestines, la violence, les humiliations et les tortures commises par les milices armées dans un pays plongé dans le chaos depuis la chute de Kadhafi. Dans ce cycle sans fin d’horreur organisée, les migrants aussi sont utilisés. Détenu dans une dizaine de geôles, Ali, tout juste libéré, témoigne, lui, de la généralisation du viol qui vise systématiquement les Tawergha, une tribu noire ostracisée.
Humanité broyée
Dans les pas de ces militants isolés qui luttent au péril de leur vie pour que justice soit rendue devant les tribunaux internationaux, Cécile Allegra lève le voile sur l’ampleur de ce crime de guerre jusqu'ici totalement occulté. Au fil des témoignages et de ce qu'ils révèlent des méthodes employées, des sévices vécus et de leur efficacité à broyer l'humanité des prisonniers se dessine l’enfer d’un pays dévasté, qui engendre rapts, vengeances et tortures. En faisant résonner la voix des victimes, ce film bouleversant participe d'une patiente et difficile quête de vérité, dans l’espoir, un jour, d’enrayer cette mécanique mortifère.
Prix de l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture), section "grands reportages", FIFDH 2018
Prix Reporters sans frontières, FIGRA 2019
- Sujets
- Langue
- vol
- Date de publication
- 24/10/2018