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Documents du mois
Chaque mois, depuis juillet 2016, le fonds patrimonial met en vedette un de ses documents..
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NOVEMBRE 2021
Joseph-Marie VIEN
Caravanne du Sultan à La Mecque : mascarade turque donnée à Rome par Messieurs les pensionnaires de l'Académie de France et leurs amis au carnaval de l'année 1748
Paris : Basan et Poignant, ca 1748
Cote H 821
Depuis la turquerie du Bourgeois gentilhomme écrite en 1670 pour ridiculiser les Turcs qui venaient de mystifier Louis XIV par une fausse ambassade en 1669, les turqueries sont à la mode en Europe et vont le rester pendant une grande partie du XVIIIe siècle. On s'habille à la Turque, on crée des meubles ou des décors de jardins inspirés par la Turquie, autant par fascination pour cette civilisation si différente, que pour minimiser et exorciser la peur qu'ils avaient inspirée avec le siège de Vienne en 1686. Les costumes turcs, ou prétendus tels, permettant une grande fantaisie. Par le raffinement des étoffes de soie, la splendeur des broderies, la variété des modèles et notamment des uniformes en vigueur à la cour du Grand Seigneur, ils sont particulièrement appréciés lors des fêtes et mascarades comme celle organisée par les élèves de l'Académie de France à Rome en 1748 sous la direction des peintres Vien et Barbault. Sultan et sultanes, eunuques, janissaires, ambassadeurs de Perse, du Mogol et de Siam sont revisités dans l'évocation d'une Turquie élargie à l'Asie toute entière et qui n'a plus de turc que le nom.
OCTOBRE 2021
Adolphe Alphand
Les Promenades de Paris, histoire, description des embellissements, dépenses de création et d’entretien des Bois de Boulogne et de Vincennes, Champs Élysées, parcs, squares, boulevards, places plantées, études sur l’art des jardins et arboretum
Paris : Rothschild, 1867-1873
Cote D 90-91
Ce magnifique ouvrage en deux grands volumes in-folio est l’œuvre de celui qui fut le bras droit du baron Haussmann dans la transformation de Paris sous le second Empire, Adolphe Alphand (1817-1891). Formé à l’École polytechnique puis à celle des Ponts-et-Chaussées, il devient en 1855 chef du service des Promenades et Plantations de la ville de Paris. À la tête d’une brillante équipe d’architectes et de paysagistes tels que Davioud, Belgrand ou Darcel, il contribue à la métamorphose de la capitale en créant de toutes pièces des squares comme les squares du Temple, des Arts et Métiers ou Montholon, des parcs comme le parc Montsouris ou les Buttes Chaumont, des artères paysagées comme l’avenue des Champs-Élysées, l’avenue Foch ou le boulevard Richard-Lenoir et en remodelant les trois grands parcs existants : le parc Monceau et les bois de Boulogne et de Vincennes. Resté en poste à la chute du second Empire, il poursuit son œuvre sous la troisième république et rédige en 1884 le règlement d’urbanisme de Paris.
Son ouvrage présente non seulement les plans de ses réalisations, mais aussi le détail des constructions qui peuplent les espaces verts de Paris : maisons de gardiens, chalets de nécessité, kiosques, fontaines, éclairages. Il est surtout orné de grandes planches en chromolithographie présentant les espèces végétales qu’il contribue à faire connaître et à vulgariser auprès du grand public en les faisant planter dans ses créations. Quant au frontispice, il présente quelques uns des monuments qu’il a contribué à mettre en valeur ou à créer : tour Saint-Jacques, colonnade de la naumachie du parc Monceau, colonne de la Victoire du square des Arts-et-Métiers, fontaine de la place du Châtelet, fontaine de Diane aux Champs- Élysées et fontaine des Innocents, temple de l’Amour des Buttes Chaumont.
Un livre spectaculaire à venir feuilleter sans réserve au fonds patrimonial.
SEPTEMBRE 2021
Paul Besnard, En gardant les vaches
Paris : Cornély, 1913
Cote LC 2196
Personnage protéiforme, Paul Besnard fut officiellement juge d’instruction, attaché au siège de Romorantin durant quelques années. Mais à coté de ces fonctions officielles qu’il n’exerça que peu de temps, sa fortune personnelle lui permettant de vivre de ses rentes, il fut également peintre, poète, sculpteur, compositeur de musique, armateur de bateaux de Loire. Né en 1849, il mourut en 1930 en son château de la Morinière à Mur de Sologne où il avait élu domicile. C’est là, en plein coeur de cette Sologne qu’il aimait, qu’il put observer à loisir ce petit peuple des Solognots dont il fit le support de son œuvre poétique et romanesque. Au travers de six recueils publiés entre 1905 et 1913, il dépeint, en vers ou en prose, dans un parler solognot parfaitement maîtrisé, la malice de ces paysans « qui ne se trompent jamais qu’à leur profit ». Mais il sait aussi décrire la mélancolique beauté des paysages d’étangs et de breumaille, voire la nostalgie qui s’empare de certains paysans au coeur trop tendre. Esprit libre et indépendant, affranchi des querelles de parti, grand bourgeois défenseur des humbles, Paul Besnard s’exprimait en ces termes à propos de ses ouvrages :
« Mon premier tiré « Au pays de Sologne » i n’a fait ben plaisi aux uns et point du tout aux autes. Les ceuss’s qu’il ergardent dans un live que pour vouër si c’est ben dépeint, ça les a amusés, méme des foués quand qu’c’est pas de leux opignions politiques. D’autes qui voulent pas des lives et des journiaux qui sarvent point à leu parti, i trouvent que j’sis pas bon à jitter aux chians. Moué quand c’est qu’j’écris queut’chouse, j’moccupe point de ces affés-là. J’dis tout coume je l’voués et j’mets point en pratique si c’est suivant mon opignion ou ben non. »
La bibliothèque possède :
Au pays de Sologne, 1905
D’Orléans à R’morantin, 1906,
De Blois à Lamotte-Beuvron, 1908
Par les genets et les berruères, 1909
En blouse et en sabots, 1911
En gardant les vaches, 1913
Le grand fleuve de France, 1922
La Toison d’or, poème nautico-héroïque, 1895
La Pierre de jade, roman, 1907
JUILLET & AOÛT 2021
Honoré Daumier, Le vin de propriétaire, lithographie extraite de la série Les beaux jours de la vie.
Publiée dans les Etrennes comiques,
Paris : Aubert, 1846, MVB 416
Cette belle lithographie de Daumier a été publiée, comme la plupart de ses planches, dans le journal satirique Le Charivari, le 13 septembre 1846. Nous sommes sous le règne de Louis-Philippe et depuis la loi sur la presse de 1835, les caricaturistes ont l’interdiction absolue de critiquer le roi, ses ministres ou la politique gouvernementale. Faute de mieux, les dessinateurs, Daumier en tête, se rabattent sur la satire de leurs contemporains. La série Les beaux jours de la vie, entamée le 24 décembre 1843 et achevée le 19 septembre 1846, comprend cent planches, mettant en scène bourgeois, paysans, avocats, parents et enfants dans des situations de tous les jours. Dans la planche 98, un propriétaire fait goûter le vin de sa récolte à l’un de ses amis qui manifestement, n’est pas convaincu par l’excellence du produit. Comme toujours chez Daumier, les physionomies sont très finement rendues : mine interrogative et geste affirmatif de la main du propriétaire qui recherche l’approbation de son ami ; lèvres pincées et regard vague de celui-ci qui espère bien échapper à la corvée de déguster un deuxième verre et, d’un geste autoritaire de la main gauche, stoppe les arguments de son interlocuteur. Au sommet de son art, Daumier déploie toutes les ressources de la lithographie, ou art de la gravure sur pierre, qui permet au crayon toutes les nuances de gris, allant du blanc presque pur des cols de chemise et des gilets, au noir le plus intense des redingotes.
Le succès de ces lithographies dans le Charivari amena l’éditeur Aubert à refaire des tirages « sur blanc » c’est à dire sur beau papier, réunis en album sous le titre Etrennes comiques, offert comme cadeau de fin d’année. Comme la plupart des albums satiriques conservés dans les bibliothèques d’Agglopolys, ce recueil provient de la donation Max et Irmgard Villette, axée sur les ouvrages illustrés et les journaux satiriques et qui comprend de nombreuses autres lithographies de Daumier.
JUIN 2021
Alexandre Pinault, Projet de bibliothèque à installer au dessus de la salle des pas perdus de l’hôtel de Ville de Blois, plume et lavis, rehauts de gouache sur papier.
RLZ 205
Lorsqu’en 1823 Louis XVIII décida de rétablir l’évêché de Blois que la Révolution avait supprimé, il déclencha un jeu de « chaises musicales » que les Blésois n’avaient pas prévu. Le palais épiscopal était en effet occupé par la préfecture. Il fallait donc loger le préfet ailleurs pour que l’évêque puisse reprendre sa résidence. Mais, par une bizarrerie administrative due aux circonstances de sa création, la préfecture abritait également la bibliothèque municipale de Blois. Là aussi, il fallait trouver un nouveau local ce qui permettrait d’accorder celui-ci avec le statut administratif de l’établissement : un organisme municipal ne pouvait pas continuer à être hébergé dans un local départemental. Le choix de la municipalité se porta assez naturellement sur l’hôtel de ville, alors situé sur le quai du Mail, juste en amont du pont Gabriel. Le bâtiment, d’origine très ancienne mais rénové à la fin du XVIIIe siècle, présentait une aile ouvrant sur le quai, rebâtie en 1777 et une aile en retour, rejoignant la rue Foulerie. C’est dans cette aile que se trouvait la salle des pas perdus, au même niveau que le quai mais au premier étage par rapport à la rue Foulerie. Au-dessus de cette grande salle se trouvaient des bureaux que l’on n’hésita pas à sacrifier pour l’aménagement de la nouvelle bibliothèque. En 1827, l’architecte Alexandre Pinault conçut un vaste espace sur trois niveaux, éclairé à un bout par deux fenêtres superposées ouvrant sur la rue Foulerie et par des verrières zénithales donnant un jour indirect. Des rayonnages de plan ovale faisaient le tour de la salle avec une coursière à mi-niveau permettant d’accéder aux rayonnages hauts. La place était alors suffisante pour abriter les quelque 25000 ouvrages que comptait la collection et envisager un accroissement régulier. Le déménagement des livres eut lieu en 1830 et l’inauguration de l’établissement se fit l’année suivante sous la direction du conservateur Louis de La Saussaye. Très vite cependant, on s’aperçut que cet espace devenait insuffisant face à l’accroissement constant des collections. En 1888, elles furent déménagées au château où un vaste espace état aménagé dans l’aile Gaston d’Orléans. Pour autant la salle ovale ne fut pas perdue car une fois les livres déménagés, les boiseries furent à leur tour démontées et remontées au château où elles hébergèrent pendant plus d’un siècle les ouvrages et les revues du fonds local. Aujourd’hui, ces boiseries, toujours en place, servent de cadre aux expositions temporaires du château. Elles constituent ainsi le dernier vestige visible de l’ancien hôtel de ville, celui-ci ayant intégralement disparu dans les bombardements de juin 1940.
MAI 2021
Voltaire, Théâtre de Pierre Corneille, avec des commentaires et autres morceaux intéressants
Genève : 1774
Cote : MVO 1 à MVO 8
8 volumes in-4 en veau marbré
En 1764, la publication des œuvres théâtrales de Pierre Corneille par Voltaire, accompagnées de ses commentaires, fit grand bruit à travers l’Europe des puissants et des intellectuels. En effet dans ses jugements, il ne ménageait pas le dramaturge, véritable monument de la culture classique française. Les noms réunis de Voltaire et Corneille assurèrent un grand succès à une souscription qui devait permettre au polémiste d’aider financièrement une descendante du grand Corneille qu’il avait recueillie. Louis XV, Frédéric II de Prusse et Madame de Pompadour comptèrent parmi les souscripteurs.
Dix ans plus tard, estimant s’être plutôt retenu dans ses analyses et souhaitant sans doute réitérer un joli « coup éditorial », Voltaire fit publier une nouvelle version de ses commentaires augmentée et approfondie.
Le résultat : cette belle édition in-4 en huit volumes de 1774, illustrée d’un frontispice gravé par Watelet et de 34 figures hors texte de Gravelot, l’un des meilleurs illustrateurs de son temps. Le texte est entouré d’une guirlande typographique et les figures sont mises en valeur par un encadrement gravé.
Outre les deux préfaces et les commentaires de Voltaire sur l’œuvre théâtral de Corneille, on trouve également dans cette édition, devenue l’édition de référence, les trois discours de Corneille et une vie de l’auteur par son neveu Fontenelle.
Cet ouvrage est considéré comme le plus important des travaux critiques de Voltaire, fruit de ses cinquante années d’expérience dans le théâtre, même si la justesse et l’impartialité de ses analyses seront questionnées à partir du XIXe siècle. L’ouvrage n’en demeure pas moins la plus belle des éditions illustrées de Corneille.
Offert en 2003 à la bibliothèque de Blois par Madame Villette, en souvenir de son mari le collectionneur Max Villette, notre exemplaire est enrichi de belles reliures en veau marbré dont les dos à cinq nerfs présentent des pièces de titre et de tomaison de maroquin rouge et vert. Un ex-libris gravé d’une chouette indique que l’ouvrage a appartenu auparavant au collectionneur allemand Hans Herbst.
AVRIL 2021
Heinrich Krämca Institoris, Malleus maleficarum
S.L. : S.N, 1517
Blois, bibliothèque Abbé-Grégoire, I 35 BIS
La sorcière est une figure suscitant fascination et répulsion. Elle incarne également une forme de rébellion à l’encontre d’une société jugée trop sévère vis-à-vis des femmes. Que ce soit chez Jules Michelet au XIXe siècle ou dans les écrits de Mona Chollet au XXIe, l’intérêt pour ces femmes en marges de la société persiste. Un ouvrage a contribué à la légende noire des sorcières : le Malleus Maleficarum de Heinrich Krämer et Jakob Sprenger. Ces deux moines dominicains ont publié en 1486 ce qui est devenu le manuel de tout inquisiteur sur les traces de la sorcellerie. Le Malleus Maleficarum, ou Marteau des sorcières dans sa traduction française, constitue aujourd’hui encore un objet de fascination. Cet ouvrage fut réédité plus d’une trentaine de fois dans sa version latine. L’unique illustration de cet ouvrage est son frontispice. Celui-ci souligne une vision manichéenne du bien et du mal. La partie haute de l’illustration révèle Abraham et Lazare en regard du monde de Satan accueillant un nouveau riche. Parmi les sujets abordés dans ce manuel on y trouve les origines de la sorcellerie et de la magie ainsi que les diverses méthodes de défense face aux ensorcellements. Enfin, outil indispensable aux chasseurs de sorcières, le Malleus maleficarum établi des instructions pour la conduite d’un interrogatoire et d’un procès. L’intolérance des sociétés occidentales face à la sorcellerie conduisit à l’exécution de milliers d’individus en Europe et aux États-Unis. Cet incunable est l’un des témoignages de cette époque trouble pour tout sorcier et sorcière.
MARS 2021
Crispin de PASSE - Le jardin de fleurs
Utrecht : Christian de Pas, ca 1603-1624
Blois, bibliothèque Abbé-Grégoire, F 4269
Avec le printemps et le retour des beaux jours, le jardinage reprend ses droits et tous les propriétaires de jardins, grands ou petits, reprennent la bêche et le râteau. Mais cette passion, que beaucoup de nos contemporains pratiquent avec ardeur, n’est pas nouvelle. Déjà au XVIIe siècle, des éditeurs avisés avaient compris tout le profit qu’ils pouvaient tirer de ce passe temps. C'est en effet à l'usage des amateurs de jardin que Crispin de Passe (1564-1637) et son fils Simon (1595-1647) ont gravé les quelque cent planches de leur Jardin de fleurs, publiées à partir de 1603. Ce catalogue méthodique présente les plantes rangées suivant leur ordre d'apparition au cours des saisons. Chaque fleur est nommée en plusieurs langues et décrite par une notice en français indiquant également, à l'usage des peintres, dans quelles couleurs les planches doivent être enluminées. On voit ainsi apparaître pour le printemps les narcisses, jacinthes, primevères et surtout tulipes pour lesquelles les collectionneurs de l’époque entretiennent une véritable frénésie. A l’été, ce sont les iris, les fritillaires, les œillets et roses d’Inde et les pivoines. Enfin l’automne voit les colchiques, les hellébores et les crocus d’automne Véritable ancêtre des catalogues que publient aujourd’hui les jardineries, le Jardin de fleurs est sans doute l’un des plus beaux livres de fleurs gravés au XVIIe siècle.
FÉVRIER 2021
L’aide mémoire du chanteur amateur : la Clé du Caveau
Tous ceux qui ont peu ou prou chanté lors de veillées en plein air se souviennent des carnets de chants qui accompagnaient ces moments festifs : Diapason vert, bleu ou rouge, Montjoie ou Roland des scouts restent dans toutes les mémoires. On sait moins que ces carnets sont les lointains descendants d’un recueil extraordinaire. Intitulé la Clé du caveau, ce gros volume de près de 800 pages renferme plus de 2350 airs notés qui permettent, grâce à des tables appropriées, de retrouver un air donné et surtout d’adapter de nouvelles paroles sur un air ancien ou de faire correspondre un air avec des paroles données. Pierre Capelle, l’auteur de ce recueil, était un chansonnier du début du XIXe siècle qui, en 1806, ressuscita le Caveau, une des plus anciennes goguettes de Paris. Le terme de goguette désigne une société, généralement masculine, qui se réunit en petit nombre pour boire et surtout pour chanter. Le premier Caveau avait été créé en 1729 par un épicier parisien et réunissait des auteurs tels que Piron, Vadé, Panard ou Crébillon fils, le musicien Jean-Philippe Rameau, le peintre Boucher ou le philosophe Helvetius. Ce premier Caveau avait lancé la mode des goguettes, mode qui se prolonge jusqu’à nos jours avec des fortunes diverses mais qui se perpétue sans discontinuité depuis des décennies au carnaval de Dunkerque par exemple.
En publiant la Clé du Caveau, Capelle donnait un formidable outil aux chanteurs amateurs et professionnels. A posteriori, il donne aux historiens de la chanson une inépuisable mine de renseignements qui permet de savoir ce que chantaient nos ancêtres. L’ouvrage permet aussi de redonner une musique à de très nombreuses chansons dont bien souvent on ne possède plus que les paroles avec la mention ; « se chante sur l’air de... »
JANVIER 2021
Les Oeuvres de P. de Ronsard, gentilhomme vandomois,
Paris : Gabriel Buon, 1587, tomes 7 à 10.
Un classique du début de l’année : l’almanach
Dérivant d’un mot arabe signifiant « disposé en ordre », l’almanach est une publication indiquant le calendrier des astres, avec les phases de la lune, la durée des jours, les éclipses ou les horaires des marées. Dès l’apparition de l’imprimerie, les éditeurs adjoignent à ce calendrier des conseils pratiques pour l’agriculture. Mais depuis le XVIIIe siècle, l’almanach désigne également une publication annuelle dans laquelle on trouve des renseignements d’ordre administratif (liste des administrations et des personnes qui y sont attachées), des documents statistiques, des notions sur les monnaies, les poids et mesures. Au XIXe siècle, l’almanach, littérature populaire par excellence, contient souvent des récits, des contes, des recettes de cuisine. Depuis 1886, avec le célèbre Almanach Vermot, il contient des histoires drôles, des calembours, des bons mots.
La bibliothèque conserve une petite centaine de ces almanachs qui peuvent être administratifs comme une importante collection de l’Almanach royal, mais aussi des almanachs humoristiques publiés par des revues légères comme le Don Juan ou le Sans-gêne. L’Astrologue universel est typique de cette littérature populaire, diffusée par les colporteurs et que l’on trouvait dans presque tous les intérieurs modestes. Enfin la plupart des journaux locaux comme la Nouvelle République, continuent de publier chaque année un nouvel almanach, preuve du succès indétrônable de ce type de publication.
DÉCEMBRE 2020
Pierre de Ronsard
Les Oeuvres de P. de Ronsard, gentilhomme vandomois,
Paris : Gabriel Buon, 1587, tomes 7 à 10.
Achat 2020 avec l'aide financière du FRRAB - Centre-Val de Loire
LI 264-267.
Le fonds patrimonial a fait récemment l’acquisition de deux volumes des Oeuvres complètes de Ronsard. Ces deux volumes sont les deux derniers de la grande édition en 5 volumes des œuvres complètes du poète, la première à avoir été publiée après sa mort en 1585 et préparée par ses soins. Éditée sous l'égide de Jean Galland et de Claude Binet, respectivement exécuteur testamentaire et premier biographe de Ronsard, elle a bénéficié de la part de l'imprimeur d'un soin particulier : caractères italiques particulièrement élégants et lisibles, édition réglée, portraits de l’auteur, bandeaux et culs de lampe gravés. Cette première édition collective posthume des œuvre de Ronsard est une des plus rares et on la trouve rarement complète de ses cinq volumes. Le présent exemplaire a surtout bénéficié d'une exceptionnelle reliure dont on ne connaît que quelques exemples dans les bibliothèques publiques, notamment à Orléans, au Mans et un autre exemplaire à Blois, ainsi que trois ou quatre autres exemplaires en mains privées.
Les plats ont reçu un décor très original. Divisés en quatre parties par un filet en croix de saint-andré, les quatre triangles ainsi formés sont occupés par des filets parallèles qui vont en diminuant depuis les bords jusqu'au centre du plat. Le dos a reçu un décor semblable. Ce type de reliure est excessivement rare. On n’en connaît actuellement que cinq autres exemplaires. Ces reliures sont toutes associées à des ouvrages de la première décennie du XVIIe siècle. La reliure des deux tomes du Ronsard fait exception puisqu'elle recouvre une édition de la fin du XVIe siècle. A bien examiner cette reliure, il semble d'ailleurs que le doreur n'avait pas encore toute la maîtrise qu'il manifestera dans ses reliures ultérieures. Quelques menus défauts (irrégularité des espaces entre les filets, « fourche » au bout d'un filet) semblent montrer un essai encore mal maîtrisé d'une technique de dorure exigeante et virtuose et qui n'aura en définitive que très peu d'exemples, compte tenu de sa difficulté d'exécution.
NOVEMBRE 2020
Un faire part de dÉcÈs
La bibliothèque de Blois a la chance assez rare de conserver une collection de plus de 600 faire-part de décès. Reçus par l’érudit blésois Arthur Trouessart entre 1870 et 1919, ils ont été soigneusement conservés et classés par ordre alphabétique. De par ses relations et sa position d’architecte, Trouessart était en lien avec l’aristocratie et la bourgeoisie blésoise. De ce fait on trouve dans sa collection les décès de personnalités blésoises telles que Eugène Riffault, Jean-Eugène Robert-Houdin ou Jules Brisson, maire de Blois.
Jusqu’au milieu du XXe siècle, les faire part de décès comprenaient un très grand nombre de personnes faisant part de la mort du défunt. En général, et toujours dans le même ordre, on trouvait le conjoint, les enfants et petits-enfants, les parents et grands-parents s’ils étaient encore vivants, les frères et sœurs, les beaux-frères et belles-sœurs, les neveux et nièces, les oncles et tantes, les cousins germains et issus de germains et le nom des familles alliées, le tout accompagné des titres nobiliaires, des grades dans l’armée, des décorations et distinctions de toutes les personnes y ayant droit. Sur certains faire-part, on peut atteindre la centaine de personnes citées. C’est donc un véritable instantané généalogique que ces faire-part nous donnent à voir. A ce titre, ils constituent une documentation essentielle sur l’histoire des personnes.
OCTOBRE 2020
Albert de Rochas, Le livre de Demain
Blois : Marchand, 1884
Ce livre est né d’un constat fait par son auteur en 1884 : les lecteurs ne veulent plus de livre en noir et blanc, il leur faut de la couleur. Albert de Rochas, militaire de carrière et chercheur dans de nombreux domaines, propose de donner d'autres formes au livre : papiers et encres de couleurs, illustrations dans et hors textes, mise en page originale. Tous ces éléments constituent un objet de luxe tiré à petit nombre et entièrement réalisé par des artistes blésois tels que les céramistes Ulysse Bénard et Josaphat Tortat, les peintres Henry Sauvage, Louis Marand ou Eugène Gervais, le photographe Mieusement. Côté textes, la qualité est également au rendez-vous puisque l’on trouve des œuvres d’Alphonse Daudet (Le sous préfet aux champs), de Victor Hugo (Le Pas d’armes du roi Jean), Théophile Gautier (La Demoiselle) et de nombreuses poésies de Charles d’Orléans, Joachim du Bellay, François Villon, Leconte de l’Isle ou encore le célèbre Sonnet d’Arvers. Ce livre, qui demeure une curiosité bibliophilique, sera présenté à partir du 19 décembre dans l’exposition Imprimeurs, libraires et éditeurs blésois, du XVIe au XXIe siècle à la bibliothèque Abbé-Grégoire.
SEPTEMBRE 2020
Cinq photographies de l’école Saint-Charles à Blois, 1928
Don Isabelle Billeau, 2020
Ces cinq photographies récemment offertes aux bibliothèques d’Agglopolys, nous font entrer dans le quotidien d’une école des années 20. Prises très exactement le 22 octobre 1928, comme l’indique la date portée à la craie sur les tableaux noirs, elles représentent les deux façades de l’école Saint-Charles, 2 rue du Pont du Gast, derrière l’église Saint-Vincent que l’on aperçoit sur un des clichés.
A ces deux vues extérieures qui montrent les bâtiments récemment démolis, sont jointes trois vues de classes, probablement l’un des cours élémentaires, tenu par une femme et sans doute les deux cours moyens, tenus par des maîtres. Si la présence du crucifix et des statues religieuses est propre à une école chrétienne, les tableaux noirs, les cartes murales de géographie, les panneaux pédagogiques (ici la fabrication du chocolat), les longs pupitres à quatre ou cinq places munies d’un encrier mais dont les bancs sont dépourvus de dossier, les blouses noires portées par la plupart des écoliers, les effectifs des classes (entre 33 et 38 élèves) se trouvaient à l’époque dans toutes les écoles, qu’elles soient publiques ou libres.
En ce temps de rentrée scolaire, il est amusant d’évoquer ce passé, pas si lointain, que certains ont pu connaître encore dans le courant des années 60 où les choses n’avaient pas beaucoup changé.
Pour prolonger cette incursion dans le monde scolaire d’autrefois, une petite exposition de livres d’éducation du XVIe au XXe siècle sera présentée au fonds patrimonial (bibliothèque Abbé-Grégoire) du 14 au 26 septembre, puis à la médiathèque d’Onzain du 30 septembre au 7 novembre.
JUILLET & AOÛT 2020
Une édition blésoise du XVIe siècle
Les œuvres de Guillaume de Salluste, seigneur du Bartas
Blois : Barthélémy Gomet, 1579
Cote LI 260
don des Amis des bibliothèques d'Agglopolys, 2019
Dès 1554, Blois possède une officine d'imprimeur assez active qui publie aussi bien les édits royaux ou les coutumes locales que les écrits à la mode. Tenue par Julien Angelier, premier imprimeur connu à Blois, cette officine cesse son activité en 1561. Ce n'est qu'en 1578 qu'une deuxième officine, celle de Barthélémy Gomet, publie à nouveau des impressions dans notre ville. Implanté au Puits du Quartier, proche la fontaine Saint-Jacques, Gomet imprime presque exclusivement des « pièces de circonstance » : édits royaux, pièces politiques de propagande, actes officiels de caractère administratif.
Le présent ouvrage constitue une exception dans la production de Gomet. Édition « pirate » des œuvres de Guillaume du Bartas en 1579, elle montre bien comment un imprimeur local, Barthélémy Gomet en l'occurrence, profitant du succès rencontré par le livre de du Bartas, s'empare de ce texte, publié précédemment à Montauban, le publie sans privilège (ce qui est tout à fait illicite au XVIe siècle) mais en ajoutant à son édition des pièces liminaires qui manquaient aux éditions précédentes et réalise ainsi une belle affaire commerciale.
Guillaume de Salluste, seigneur du Bartas (1544-1590), aujourd'hui méconnu, connut un vif succès jusqu'au milieu du XVIIe siècle. Sa Semaine, ou récit de la création du monde, fut traduite en anglais, allemand, italien, latin, hollandais et inspira dit-on Milton et Le Tasse. En 1609, la bibliothèque du château de Villesavin possédait un exemplaire de la Judith, tragédie en vers dédiée à Jeanne d'Albret, mère de Henri IV et protectrice du du Bartas. Avec cet ouvrage, c'est un titre supplémentaire à ajouter au catalogue des impressions blésoises du XVIe siècle.
JUIN 2020
Un best-seller du moyen-âge
Honorat Bovet
L'arbre des batailles
ms vers 1430-1450
Ms 775
C'est un véritable best-seller médiéval que nous présentons ce mois-ci. Rédigé vers 1386-87, l'Arbre des Batailles est une synthèse de textes historiques, philosophiques, juridiques et littéraires sur le droit de la guerre. Le texte est dû à un religieux bénédictin, Honorat Bovet (longtemps orthographié Honoré Bonet ou Bonnor), prieur de Selonnet près d'Embrun. Familier de la cour des papes Urbain V et Clément VII à Avignon, il fréquente ensuite la cour de Charles VI qui lui confie des missions diplomatiques entre 1390 et 1400. Connu à plus de 90 versions manuscrites en français et à de nombreuses autres versions manuscrites en langues étrangères, le texte est imprimé à Lyon dès 1481, preuve de son extraordinaire succès.
Le manuscrit conservé à Blois a été réalisé dans la première moitié du XVe siècle. Grâce aux armoiries qui figurent à deux reprises sur la page de titre et sur la première page du texte, le commanditaire a pu être identifié en 2005. Il s'agit de Louis de Chantemerle, (ca 1397-1465) seigneur de la Clayette en Maconnais, chambellan du duc de Bourgogne Jean sans peur et bailli de Macon. Ce seigneur bourguignon possédait une petite « librairie » dont une dizaine de manuscrits, aujourd'hui dispersés, se retrouvent dans les grandes bibliothèques du monde, de Princeton à Saint-Pétersbourg en passant par Oxford, Bruxelles et Paris. Le manuscrit de Blois, qui a conservé sa reliure d'origine, a vraisemblablement été recopié sur l'exemplaire réalisé à la fin du XIVe siècle pour Philippe le Hardi. Une étude menée sur les différentes copies de l'Arbre des Batailles montre que la version de Blois est très proche de l'exemplaire ducal (aujourd'hui à Bruxelles) que Louis de Chantemerle, de par sa fonction, pouvait en effet consulter et faire copier facilement. Deux miniatures en grisaille ornent le manuscrit. La première représente le roi de France entouré des douze pairs du royaume : les six pairs ecclésiastiques à gauche et les six pairs laïcs à droite. On reconnaît chacun des douze pairs à leurs écus peints au-dessus de leurs têtes : les archevêques-ducs de Reims, Langres et Laon, les évêques-comtes de Beauvais, Châlon et Noyon, les ducs de Bourgogne, Normandie et Guyenne et les comtes de Flandre, Champagne et Toulouse.
La deuxième miniature représente symboliquement l'arbre des batailles avec des combattants célestes dans les branches supérieures et des combattants terrestres - dont le pape, un évêque, un abbé, l'empereur et deux rois - se livrant bataille de part et d'autre du tronc de l'arbre. L'ouvrage possédé au XIXe siècle par la famille Lucas de Lestanville est passé au XXe siècle dans la collection du bibliophile André Frank, directeur des programmes à l'ORTF qui, en 1974, l'a légué, avec de nombreux autres livres et objets d'art, à la Ville de Blois. Cet ouvrage a été intégralement numérisé en 2019 par l'Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT) et sera prochainement disponible sur la base Enluminures.
MAI 2020
Un voyage illustré en île de france au xixè siècle
Amédée Aufauvre et Charles Fichot
Les Monuments de Seine et Marne, description historique et archéologique et reproduction des édifices religieux, militaires et civils du département
Paris, chez les auteurs, 1858
D 12
A défaut de pouvoir sortir de chez nous comme nous le souhaitons, les livres nous permettent de nous évader. Ce mois-ci, les Monuments de Seine et Marne nous font découvrir les richesses monumentales de ce département trop méconnu de l'Île de France. Publié par Charles Fichot et Amédée Aufauvre qui sont également les auteurs du texte et des illustrations, ce grand volume in plano présente une centaine de planches finement lithographiées. Si les grands châteaux tels que Fontainebleau ou Vaux le Vicomte ont leur place dans ce recueil, ce sont principalement les monuments médiévaux qui ont retenu l'attention des auteurs. Il faut dire que le département est particulièrement riche en ce domaine. Les fortifications de Provins et de Moret sur Loing, le château fort de Blandy-les-Tours, la cathédrale de Meaux, les églises de Rampillon, Saint-Loup de Naud ou Melun constituent un beau panorama de l'architecture gothique depuis son apparition au XIIe siècle (Rampillon) jusqu'aux derniers développements du gothique flamboyant (Saint-Aspais de Melun) en passant par le gothique rayonnant de la cathédrale de Meaux.
L'ouvrage dont nous présentons quelques images, est intégralement disponible sur le site Gallica
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k135397z/f1.image
AVRIL 2020
La halle maraîchère de la place Louis XII
Lithographie vers 1840
Dans le moment inédit que nous vivons en cette pandémie de coronavirus, le ravitaillement prend une importance capitale dans nos vies quotidiennes. C'est donc un document lié au ravitaillement d'autrefois que nous vous proposons pour ce mois d'avril.
Il s'agit d'une lithographie réalisée par le dessinateur Dupuy qui était professeur de dessin au collège de Blois. D'après la légende écrite à la plume par le bibliothécaire Louis de la Saussaye, cette lithographie n'a été tirée qu'à deux ou trois exemplaires.
Elle représente la halle aux légumes édifiée sur la place Louis XII au tout début du XIXe siècle. En 1806, l'église abbatiale de Bourgmoyen est démolie et quelques années après, avant 1819 en tout cas, son emplacement est occupée par cette halle. Edifiée en bois sur les plans de l'architecte Alexandre Pinault, elle permettait d'abriter les maraîchers venus vendre leur production. A l'arrière plan, Dupuy a représenté les anciens bâtiments de l'abbaye de Bourgmoyen, convertis en collège en 1800 et, sur la gauche, un vestige du transept sud de l'abbatiale avec quatre arcades tréflées de son triforium. Sur la droite, la rue du Département laisse apercevoir dans le fond le cours de la Loire et les maisons du faubourg de Vienne. On voit également que le deuxième pavillon du collège, édifié en 1847 en bordure de la rue du Département et en symétrie du pavillon de gauche, n'est pas encore construit.
Pendant tout le XIXe siècle, cette halle sera le siège du plus important marché de Blois comme le montre cette petite photographie de la fontaine Louis XII prise vers 1860 et à l'arrière plan de laquelle on voit bien la halle en bois et la foule des maraichères coiffées de bonnets blancs qui s'agite au devant de l'édifice. Mais en 1890, sa vétusté et son étroitesse condamnent cette vieille halle à la démolition qui est réalisée en 1890. En 1892 une nouvelle halle métallique, deux fois plus vaste, est édifiée sur les plans de la société Michelin. Cette halle, qui rappelle en plus modeste les halles Baltard de Paris, échappe aux bombardemens de 1940 et ne disparaît qu'en 1960.
MARS 2020
Un des premiers livres sur la flore et la faune d'Amérique
Marc Catesby
The natural history of Carolina, Florida and the Bahama Islands
Londres, 1731
T 138
Entre 1731 et 1743, le naturaliste anglais Marc Catesby publie son Natural History of Carolina, Florida and the Bahama Islands, la première description de la flore et de la faune d'Amérique du Nord, qui paraît en deux volumes avec un texte en français et en anglais. Ce ouvrage en grand-folio (il mesure 54 centimètres de hauteur) contient 220 planches d'oiseaux de reptiles et d'amphibiens, de poissons, d'insectes et de mammifères. Chaque planche contient un animal et une plante, la légende et le texte explicatif figurant sur la page opposée. Il publie son ouvrage grâce au soutien de Peter Collinson (1694-1768), botaniste quaker, membre également de la Royal Society. Carl von Linné (1707-1778) inclut la plupart des données de Natural History dans la dixième édition de son Systema Naturae (1758). A ce jour, avec ses planches rehaussées de couleurs peintes à la main, la Caroline de Catesby reste l'un des plus beaux livres d'histoire naturelle jamais publiés. La planche sur le cacao sera visible du 24 mars au 30 avril à la médiathèque de Veuzain dans le cadre de l'exposition « Les belles images du chocolat ».
FÉVRIER 2020
Office de la Semaine sainte
[Paris], 1627
Ms 945
Achat 2019 avec le soutien du FRRAB Centre-Val de Loire et du Ministère de la Culture - Direction du livre et de la Lecture, au titre des acquisitions patrimoniales d'intérêt national (APIN)
L'office de la Semaine sainte regroupe les textes liturgiques lus durant la semaine qui va du dimanche des Rameaux au matin du samedi saint, auxquels sont adjoint les sept psaumes de pénitence. On y trouve les quatre évangiles de la passion, l'office de la Cène et les leçons de ténèbres (lamentations de Jérémie) pour les nuits du mercredi, du jeudi et du vendredi saint.
Les exemplaires sont nombreux de ces ouvrages de dévotion ayant appartenu aux souverains et aux membres des différentes branches de la famille royale de France. Ils sont toujours somptueusement reliés et portent les armoiries de leur possesseur. Contrairement aux livres des bibliothèques princières, ces ouvrages, réservés à un usage domestique, ont souvent échappé aux saisies révolutionnaires et ont été dispersés dans le monde entier. Le présent ouvrage n'échappe pas à la règle. Copié en 1627 comme l'indique une date dans une des lettrines du texte, il a été enrichi d'une dizaine de gravures et a reçu une belle reliure au chiffre de Gaston d'Orléans. Le double G surmonté d'une couronne fermée est un des emblèmes de ce prince bien que le plus souvent le double G soit surmonté du lambel héraldique, signe distinctif de la famille d'Orléans. Il n'y a cependant pas de doute sur l'identité du possesseur et du destinataire de cette reliure. Le semis de fleurs de lis dans un quadrillage de losanges en pointillés et encadré d'une quadruple bordure dont une de fleurs de lis, se retrouve presque identique sur une reliure des collections de la bibliothèque de Blois commandée par Gaston d'Orléans pour être offerte en prix à un élève du collège de Blois.
Cette acquisition, exceptionnelle par la rareté de ces reliures sur le marché du livre ancien, constitue le premier objet princier à revenir de manière pérenne à Blois depuis que la famille royale a définitivement quitté la ville en 1660.
JANVIER 2020
Jean ADHEMAR, L'atelier Mourlot
Londres : the Redfern gallery, 1965
RB 456
Pendant de nombreuses décennies, Fernand Mourlot fut l'imprimeur lithographique attitré des plus grands artistes du XXe siècle : Picasso, Chagall, Miro, Matisse, Masson lui confièrent leurs œuvres dont il fit des tirages impeccables. Le présent ouvrage est le catalogue d'une exposition que la galerie Redfern de Londres consacra à cet artisan hors pair en 1965. Les illustrations ne sont rien moins que 12 lithographies originales, tirées sur les presses mêmes de Mourlot et dues à onze immenses artistes. Outre les cinq artistes nommés plus haut, on peut citer Calder, Buffet, Giacometti, Villon, Minaux et Jenkins. Le texte a été écrit par Jean Adhémar qui était à l'époque conservateur en chef du département des estampes à la bibliothèque Nationale de France. La reliure en plein maroquin doublé de daim constitue un écrin à la hauteur de la qualité exceptionnelle de cet ouvrage, récemment offert à la bibliothèque par une bibliophile passionnée.
DÉCEMBRE 2019
Giovanni Battista Cipelli dit Egnazio, Opera
Venise : Alde, juillet 1516
Cote I 273
Achat 2019 avec le soutien du FRRAB Centre-Val de Loire et du Ministère de la Culture - Direction du livre et de la Lecture, au titre des acquisitions patrimoniales d'intérêt national (APIN)
Depuis sa création à Venise en 1494, jusqu'aux dernières publications à Rome en 1597, l'atelier d'Aldo Manuzzio, de son beau-père Andrea Toressani puis de son fils Paul et de son petit-fils Aldo le jeune, a toujours bénéficié d'une réputation d'excellence. La mise au point de fontes parfaitement gravées et donc parfaitement lisibles, tant en latin qu'en grec, l'invention des caractères italiques en 1501, la qualité de la mise en page jointe à l'excellence de textes parfaitement établis justifient cette réputation. On doit à Aldo Manuzio la première édition de nombreux chefs d'œuvre de la littérature tant ancienne (Poétique d'Aristote, comédies d'Aristophane) que des auteurs de son temps (Francesco Colona et son Songe de Poliphile, Giovanni Pontano). La présente édition des œuvres de l'érudit italien Egnazio (1478-1553) est caractéristique de cette attention apportée à chaque nouveau livre. Entièrement composé en italique, il a été exceptionnellement imprimé sur un papier bleuté, rare à cette époque.
Une note manuscrite apprend que ce livre a été possédé par un certain Gulielmo Ageri qui l'a offert en 1538 à son ami Jean Deluc.
Avec cet exemplaire exceptionnel, nous terminons l'année italienne qui a célébré les 500 ans de la Renaissance en Val de Loire ;
NOVEMBRE 2019
Francesco Tensini, La fortificatione guardia difesa et expugnatione della Forteze
Venise : Baritelli, 1630
H 423
Bien avant que Vauban ne déploie son génie stratégique sur les places fortes françaises, les ingénieurs italiens de la Renaissance avaient mis au point un système de fortification adapté à l'artillerie, que Vauban ne fera que développer et porter à son point de perfection. Le principe est celui de l'enceinte bastionnée dont le haut des remparts est formé d'une terrasse permettant l'installation de canons. Les bastions, les demi lunes, les éperons sont disposés de telle manière qu'aucun point des murailles n'échappe au tir des défenseurs. De profonds fossés, souvent emplis d'eau, des défenses avancées, parfois très en avant de la forteresse principale, une maçonnerie en pierre de taille protégeant d'épais talus de terre et de nombreux autres aménagements rendent en principe ces forteresses inexpugnables.
OCTOBRE 2019
Sebastiano Serlio, Libre quinque d'atchitettura
Venise : Sessa, 1559
I 706
Si Serlio, architecte bolonais du XVIe siècle (1475-1554) a relativement peu construit, il reste un des théoriciens fondamentaux de la Renaissance par sa contribution à la formalisation de l'architecture. Dans ses huit livres publiés entre 1551 et 1559, il explique et décrit les proportions des cinq ordres de l'architecture antique qui vont devenir la base du vocabulaire architectural classique pendant près de trois siècles. Ses modèles d'église, de châteaux, de palais ou de jardins influencent toute la culture européenne et notamment les pays du nord comme la Hollande ou l'Angleterre, peu ouverts jusque là aux influences italiennes. L'exemplaire de Blois, provenant de l'abbaye des bénédictins de Saint Laumer, a conservé sa belle reliure d'origine, en veau blond estampé.
SEPTEMBRE 2019
Ulisse Aldrovandi, Ornithologiae
Bologne, 1642
Cote I 752
Extraordinaire personnage que cet Ulisse Aldrovandi. Né et mort à Bologne, (1522-1605) il est tout à la fois philosophe, médecin, physicien, herboriste, naturaliste, collectionneur. Son œuvre scientifique, bien qu'aujourd'hui largement dépassée, montre une vaste étendue des connaissances dans presque tous les domaines de l'histoire naturelle. En lien avec la plupart des scientifiques de son époque, il réunit une abondante documentation et surtout une collection de près de 18000 objets de curiosité. A sa mort il lègue au sénat de Bologne plus de 300 manuscrits, dont seule une partie a été publiée. De son vivant, il ne connaît que la publication des trois volumes de son Ornithologiae (1599-1603). Parmi les espèces qu'il décrit, de nombreux spécimens proviennent de territoires nouvellement explorés en Afrique, Asie et Amérique. Il est ainsi le premier à décrire le toucan, le casoar et le calao. Nous voyons ici une variété de buse, nommée sous son nom latin de triorchis.
AOÛT 2019
Hartmann Schedel, Liber chronicarum
Nuremberg : Anton Koberger, 1493
Cote I 27
Le Liber Chronicarum, également appelé Chronique de Nuremberg est un des plus célèbres incunables. Imprimé en 1493 à Nuremberg, l'ouvrage entend retracer l'histoire du monde depuis la création jusqu'à l'apocalypse, en passant par la chronique de tous les royaumes et empires alors connus. Abondamment illustré de gravures sur bois, l'ouvrage donne à voir de nombreux portraits de ville. Mais on se rend compte assez rapidement que beaucoup de ces gravures sont répétitives et ont servi à illustrer des localités fort différentes. Seules quelques très grandes villes ont droit à une iconographie propre et relativement réaliste : Nuremberg, bien sûr mais aussi Strasbourg, Wurzbourg, Rome, Constantinople et Venise. Sur cette vue prise du sud, la cité des doges se présente dans un panorama assez large allant de la douane à gauche jusqu'à l'arsenal que l'on devine à droite. Au centre de la composition, le graveur a représenté les monuments les plus emblématiques de la cité : l'entrée de la piazzetta avec les deux colonnes, le palais des doges et ses deux étages de galeries, le campanile de San Marco et les coupoles de la basilique. Quant aux autres monuments de la ville, que ce soient les palais ou les campaniles des églises, s'ils répondent bien à la typologie de l'architecture vénitienne, il est difficile de les identifier individuellement. A l'arrière plan, les îles de la lagune ne sont pas clairement légendées et les montagnes du Frioul adoptent un profil assez fantaisiste. Précédent de quelques années la vue perspective de Venise de Jacopo de' Barbari (1500) cette vue de Venise n'en a ni la précision ni la fiabilité. C'est cependant une vue emblématique où les traits essentiels de la sérénissime se reconnaissent, ce qui était le but recherché par l'ouvrage.
JUILLET 2019
Antonio BRUCIOLI, I sacrosanti libri del Vecchio testamento
Tradotti dalla Ebraica verita in Lingua italiana & con breve & catholico commento dichiarati
[Venise] : Alessandro et Francesco Brucioli, 1542-1546
Éditée pour la première fois à Venise en 1532, la traduction de la Bible en italien par le grand érudit florentin Antonio Brucioli (1487-1566) fut très vite soupçonnée d’hérésie luthérienne, comme la plupart des traductions en langues vernaculaires. Ce soupçon valut à Brucioli d'être recherché par l'inquisition. Réfugié à Venise d'abord puis à Ferrare chez la duchesse Renée de France, il doit se rétracter et voit brûler la plupart de ses écrits. Cette traduction de la bible se base, d'après son auteur, directement sur les manuscrits hébreux. Mais en rélaité sur la version latine de Sante pagini, publiée en 1527. Réimprimée en 1542 par les frères d'Antonio, Alessandro et Francesco, elle est mise à l'Index par le pape en 1559. Les vignettes de la page de titre illustrent différents épisodes de l’ancien et du nouveau testament et montrent les différentes manières dont se révèle la Parole aux hommes. A signaler, en bas à droite la rare représentation de Paul prêchant aux juifs, tenant une épée à la main, symbolisant la parole de Dieu, « plus tranchante qu’aucun glaive à double tranchant ».
JUIN 2019
Jean-Claude Richard, abbé de SAINT-NON
Voyage pittoresque ou description des royaumes de Naples et de Sicile
Paris : Lafosse, 1781-1786
T 71-75
Réalisé en compagnie des peintres Joseph Vernet, Jean-Honoré Fragonard et Hubert-Robert et de Vivant Denon, futur directeur du musée du Louvre, ce voyage dans le sud de l'Italie se démarque des récits de voyage antérieurs par le territoire même qu'il décrit. Pendant très longtemps, les terres au sud de Naples restèrent terra incognita, réputées « en proie aux bandits et à l’effroi des voyageurs ». L'attrait pour les ruines antiques de la Grande Grèce, la redécouverte et les fouilles méthodiques de Pompéi et d'Herculanum attirent des visiteurs de plus en plus nombreux à partir de 1760. Cependant le voyage de Saint-Non et de ses amis est le premier à décrire précisément ce sud méconnu et à l'envisager non seulement sous l'aspect des antiquités mais aussi sous l'angle des paysages (justifiant l'adjectif pittoresque du titre), des coutumes et de l'histoire moderne. Par la qualité de son texte et de ses illustrations, le Voyage pittoresque allait beaucoup contribuer à faire connaître le sud de la péninsule et notamment les temples antiques de Paestum, décrits au tome 3. Désormais le Grand Tour passera par l’incontournable visite des sites archéologiques de la Campanie.
MAI 2019
Dante Alighieri,La Comedia con la nova espositione di Alessandro Vellutello
Venise : Francesco Marcolini, juin 1544
Cote I585
La Divine Comédie est un immense poème en trois parties comprenant chacune 33 chants (plus un chant inaugural pour l'Enfer) qui porte à 100 le nombre total des chants. Composée au XIIIe siècle par le Florentin Dante Alighieri, elle relate le voyage onirique fait par Dante lui-même dans les neuf cercles de l'enfer, le sept terrasses du purgatoire et les neuf sphères du paradis. Ce poème complexe, dans lequel Dante introduit de nombreux personnages de l'histoire (Virgile, Sémiramis, Cléopâtre, Gianni Schicchi), de la mythologie (Caron, Minos) et de la fiction (Ulysse, Hélène de Troie) ne peut se comprendre sans quelques explications. Le présent commentaire d'Allessandro Vellutello, publié à Venise en 1544 tente une exégèse au plus proche du texte qu'elle éclaire au plan critique, linguistique et historique. Les quatre-vingt-six gravures qui accompagnent le texte sont remarquables à la fois par leur qualité technique et esthétique et pour le rapport qu'elles entretiennent avec le texte. Elles éclairent notamment les questions topographiques et cosmologiques que soulève l'oeuvre elle même. Dante a imaginé en effet que l'enfer était creusé en entonnoir depuis la ville de Jérusalem jusqu'au centre de la terre où loge le diable. Par un chemin caché on rejoint l'hémisphère austral où se trouve le purgatoire, sorte d'immense montagne au sommet de laquelle se trouve le jardin d'Eden. L'auteur inconnu de ces gravures (peut-être le graveur Giovanni Britto ou Francesco Marcolini l'éditeur), serre le commentaire de Vellutello et tente de donner forme aux visions de Dante. C'est sans doute l'une des plus belles contributions à l'illustration de la Comédie avec les dessins de Botticelli au XVe siècle et les gravures inspirées de Gustave Doré au XIXe siècle.
L'exemplaire de la bibliothèque, relié à neuf au XVIIIe siècle, a cependant conservé ses tranches d'origine, dorées, ciselées et peintes qui témoignent d'un premier possesseur fortuné.
AVRIL 2019
Antonio Canale et Giambattista Brustolon,Prospectuum aedium viarumque insigniorum urbis Venetiarum
Venise : Furnaletto, 1763
Avec le document du mois d'avril, nous poursuivons notre promenade dans les collections italiennes de la bibliothèque.
Antonio Canale, dit Canaletto (1697-1768) est, avec son neveu Bernardo Belloto et Francesco Guardi, l'un des plus célèbres représentants du « vedutisme » ou peinture de paysage urbain en Italie.
Auteur de plus de 500 peintures représentant Venise, sa ville natale, mais aussi Londres où il passe une partie de sa vie, il devient autour de 1750, l'artiste le plus en vue de Venise et celui que les étrangers apprécient le plus. Lorsque les Anglais visitent Venise, ils souhaitent en repartant emporter un souvenir de la sérénissime et commandent des vedute à celui qui en est devenu le spécialiste. Très vite, Canaletto ne peut suffire à la demande et pour satisfaire une clientèle de plus en plus nombreuse, il fait graver des vues de Venise d'après ses propres tableaux. Exécutée en 1763 par Giovan Battista Brustolon, la suite comprend d'abord douze vues qui vont s'augmenter de huit autres vues, la plupart d'après Canaletto mais certaines d'après Giambattista et Giuseppe Moretti, peintres de vedute de moindre renommée.
Le recueil fait état des sites les plus célèbres de la ville : la place saint Marc, la piazzetta, le palais des Doges, la basilique San Marco, le pont du Rialto, la basilique de la Salute, la douane de mer. Il montre aussi quelques unes des cérémonies les plus populaires de Venise. On voit ainsi les épousailles de la mer où, tous les ans, à l'Ascension, le doge s'embarque sur le bucentaure, la galère d'apparat de la république pour jeter un anneau dans l'Adriatique. On voit aussi la fête de nuit à Sainte Marthe, les joutes au pont du Rialto ou encore le pont de bateaux dressé tous les mois de juillet sur le canal de Canareggio pour la fête de Rédempteur. Les gravures, de très grande taille, reproduisent fidèlement les tableaux de Canaletto qui est lui même un peintre extrêmement précis. Cette précision et cette fidélité à la réalité s'expliquent par l'emploi de la camera oscura qui, en projetant sur les parois d'une chambre obscure l'image du paysage extérieur, permet de reproduire aussi exactement que possible les contours de celui-ci, non sans quelques déformations contre lesquelles Canaletto lui-même mettra en garde ses élèves.
A défaut des tableaux de Canaletto et de leurs brillantes couleurs, les touristes du XVIIIe siècle pouvaient repartir de Venise avec une sorte d'album-souvenir très évocateur des charmes de la ville. Cependant le recueil des vues de Venise a connu un succès qui lui a été fatal. La plupart de ces recueils ont été dépecés pour séparer les gravures afin de les encadrer et de les exposer. Actuellement, les bibliothèques publiques de France ne recensent que six recueils complets dont celui de Blois.
Mars 2019
Voyages en zigzag ou excursions d'un pensionnat en vacances
par Rodolphe Töpffer, 1859
Cote B 80831
Rodolphe Töpffer a déjà fait l'objet d'un Document du mois en septembre 2017, pour Les amours de Mr Vieux Bois. L'Italie étant à l'honneur cette année, c'est un autre recueil qui attire notre attention, celui des Voyages en zigzag. On y retrouve le trait caractéristique de Töpffer dans les nombreuses illustrations qui égaient la narration.
Après avoir renoncé à une carrière de peintre à cause d'une affection oculaire grave puis avoir rejoint l'enseignement, Töpffer ouvre son propre pensionnat à Genève en 1824. De 1825 à 1842, il effectue avec ses élèves une à deux excursions par an, le plus souvent dans les Alpes et en Italie. Ces récits seront repris et mis en forme dans un premier recueil paru en 1844, puis un second, Les Nouveaux voyages en zigzag, dix ans plus tard, à titre posthume.
Voici comment les éditeurs présentent l'ouvrage en 1859, date de réimpression de l'ouvrage en notre possession : « Il s'agit purement et simplement d'excursions pédestres, au mouvement et à la gaieté desquelles le lecteur est prié de s'associer, s'il y trouve du plaisir. Une fois en chemin, et sans autre peine que celle de tourner les feuillets, tantôt il assistera aux aventures d'une caravane de jeunes touristes, tantôt il verra passer sous ses yeux les sites renommés de la Suisse, du Tyrol, les passages sévères des hautes Alpes, et aussi ces doux paysages qui, de l'autre côté de la grande chaîne, reflètent indolemment les radieuses sérénités du soleil de l'Italie. »
Et parmi les paysages italiens parcourus, on citera notamment : Venise, qui a fait l'objet d'un voyage en 1842, mais aussi le lac de Côme ou encore Vérone.
Février 2019
La carte d'Italie
extraite de Jacques Signot, La totale et vraie description de tous les passaiges, lieux et détroictz par lesquels on peut passer et entrer des Gaules ès Ytalies, Paris :Toussaint Denis, 1518, Cote I 39-2
Toussaint Denis, 1518, Cote I 39-2
Publiée pour la première fois en 1515, cette carte d'Italie accompagne un court traité décrivant les cols et passages entre la France et l'Italie rédigé, si l'on en croit le bibliographe la Croix du Maine, par Jacques Signot, agent des rois Charles VIII et Louis XII en Italie. L'ouvrage contient de précieux renseignements géographiques mais n'était en fait destiné qu'à asseoir les prétentions des rois de France en Italie. A ce titre, Signot énumère les territoires indûment détenus selon lui par la république de Venise. La carte gravée sur bois est, suivant la tradition, orientée, au sens propre du terme, c'est à dire avec le haut tourné vers l'orient et donc vers Jérusalem. De ce fait la péninsule se déroule du nord à gauche au sud à droite. Les Alpes et ses principaux cols (Tende, l'Argentière, Agnel, Montgenèvre, Mont-Cenis, Saint-Bernard) sont indiqués sur la gauche de même que le Var qui constituait la frontière entre la France et la république de Gênes. Au centre, la chaîne des Apennins est sommairement matérialisée par ce qui ressemble à des blocs de rochers. A droite la Sicile avec l'Etna crachant des flammes se reconnaît à sa forme triangulaire. Les principales rivières, le Pô et ses affluents, l'Arno, le Tibre, sont indiqués par des doubles traits et parfois légendés : « Lepo », « Tybre ». La mer Adriatique en haut avec les îles de la côté dalmate et la mer Tyrrhénienne en bas avec ses îles (Corse, Elbe, Capri, Isola) sont symbolisées par des vagues. Les autres villes sont parfois identifiées par leur blason (ainsi la fleur de lys de Florence, la croix de Gênes, les fleurs de lys de Naples) mais la plupart du temps par une représentation symbolique de tours et de maisons, heureusement légendées.
Malgré une certaine maladresse dans le rendu et beaucoup d'imprécisions dans l'échelle et les proportions, cette carte d'Italie est un précieux document qui donne à comprendre comment les Français percevaient la péninsule au début de la Renaissance et quels étaient les points saillants de la géographie physique et de la géopolitique. A cet égard, le traitement de Rome, enfermée dans le mur d'Hadrien et hérissée de tours et de clochers et la représentation de Venise au milieu des flots et dominée par la coupole de Saint-Marc montrent bien quelles sont les protagonistes les plus saillants de la partie qui se joue en Italie en ce début du XVIe siècle.
Janvier 2019
UN PLAN DE ROME AU XVIIIE SIÈCLE
Cote H 5285
2019 sera une année largement consacrée à la Renaissance et à l'Italie qui en fut le berceau. Pour inaugurer cette année « italienne » nous présentons un des trésors du fonds patrimonial. Le Nuova piante di Roma de Giambattista Nolli est en effet une pièce insigne des collections. Ce grand plan, gravé en douze feuilles, a demandé douze années de travail à son auteur, l'architecte Giambattista Nolli (1701-1756), plus connu pour ce plan que pour ses réalisations architecturales. Publié en 1748, le plan de Rome fait date dans le corpus des plans de la ville éternelle. Pour la première fois dans ce corpus, il est orienté vers le nord magnétique, comme les cartes de géographie. Il distingue l'espace bâti des espaces de jardins ou de campagne. Enfin, il donne le plan au sol de toutes les églises et de la plupart des édifices civils de quelque importance. D'une extrême précision dans le rendu de la trame urbaine, ce plan servira de base fiable à tous les autres plans de Rome jusque dans les années 1970.
Couvrant toute l'étendue de l'Urbs, comprise dans l'enceinte du mur d'Aurélien, le plan montre de nombreux pans de la campagne romaine et quelques-unes des villas qui font encore sa célébrité (villa Borghese, villa Pamphilii). Il montre aussi que la ville s'était singulièrement réduite depuis l'antiquité. A l'intérieur du mur, de nombreux espaces sont vides de toute construction notamment à l'est et au sud de la ville où subsistent d'importantes villas et vignes. Seuls le Trastevere à l'ouest et la boucle du Tibre entre le Colisée et la porta del Popolo au nord sont plus densément peuplés. Nolli fait figurer de très nombreux monuments antiques parmi lesquels on repère facilement le Colisée et l'arc de Constantin qui l'avoisine ou encore les gigantesques thermes de Caracalla (ici nommés Terme Antoniani) et ceux de Dioclétien. A l'ouest, le Vatican se repère aisément à la basilique Saint-Pierre et à la colonnade qui la précède ainsi qu'au château Saint-Ange. Enfin une abondante légende de plus de 1300 numéros permet de repérer à peu près toutes les églises, palais, couvents, fontaines, rues et places, ainsi que les vestiges antiques encore visibles au milieu du XVIIIe siècle.
Dans la partie inférieure du plan, Nolli a représenté à gauche la Rome antique sous la forme d'une femme casquée, accompagnée du Tibre, de la louve et des jumeaux Romulus et Remus. A l'arrière plan on repère les trois colonnes du tempe de Castor et Pollux, le Colisée, l'arc de Constantin, celui de Titus et la basilique de Maxence. A droite, la Rome moderne, couronnée de la tiare pontificale, trône devant la façade de Saint-Jean de Latran, l'escalier et la place du Capitole et la coupole de Saint-Pierre.
Le succès de ce plan incita Nolli à en donner la même année une version plus petite, agrémentée d'autres figures dues au burin de Giambattista Piranesi qui, dans le même temps, était en train de graver une importante suite de vues de Rome. Relativement rare dans les collections publiques françaises (une douzaine d'exemplaires recensés), le plan de Rome de Nolli est conservé à Blois dans l'exemplaire personnel de madame de Pompadour, somptueusement relié en maroquin rouge aux armes de la marquise, exemplaire qui transita ensuite par les collections de Mgr de Thémines avant d'intégrer les rayons de la bibliothèque.
Décembre 2018
REVUE PARIS-NOËL, 1886-1887
Cote P 603
Pas de guirlandes illuminées, de sapin décoré ni de scène de Nativité en ce mois de décembre pour évoquer Noël mais une revue, aux couleurs encore fraîches malgré les 132 années écoulées ! Paris-Noël est une revue luxueuse fondée par Gustave Goetschy et publiée chaque année au mois de décembre, entre 1885 et 1913. La qualité de son papier de grand format, ses articles richement illustrés et sa relative rareté dans les bibliothèques françaises en font un document curieux et précieux pour nos collections.
Sur une trentaine de pages se succèdent textes littéraires, nouvelles, partitions, chansons ou encore poèmes, signés par les plus grandes plumes de l'époque comme Guy de Maupassant, Paul Morand et Gabriel Fauré (pour ne citer qu'eux).
Les articles sont magnifiquement complétés par des gravures et des photographies. Sans oublier bien sûr le supplément artistique reprenant les œuvres de peintres contemporains comme Odilon Redon ou Alfons Mucha, dont l'influence pré-Art Nouveau se ressent fortement au fil des pages.
La bibliothèque Abbé-Grégoire possède 3 numéros de Paris-Noël, pour les années 1885-1886, 1886-1887 et 1887-1888.
Novembre 2018
Libro de la natura di cavalli
Milan, Iohanne Angelo Scinzenzeler, 1505
Cote I 50
Ce court traité anonyme, publié pour la première fois en 1502 à Venise, se situe à la charnière entre l'hippologie médiévale, dominée par les maréchaux-ferrants, transmetteurs d'un savoir ancestral mais empirique et le renouveau de l'hippiatrie sous l'influence de l'humanisme retrouvant les sources antiques de la science vétérinaire.
En 114 courts chapitres, l'auteur passe en revue l'anatomie du cheval, sa nourriture, la manière de le ferrer et de le harnacher. Il recense ensuite une soixantaine de maladies et d'infirmités qui affectent les chevaux et donne les moyens de les traiter. L'ouvrage se conclut sur la manière de faire naître les poulains, sur les soins à donner à la crinière et sur les corrections à apporter au caractère ombrageux de certains spécimens.
Illustré par une belle gravure sur bois représentant un maréchal en pleine action, ce traité est complété par un opuscule sur l'élevage des faucons, l'autre animal noble auquel la littérature médiévale a fait une large place.
Réédité à de nombreuses reprises (sept éditions sont recensées en 1502, 1505, 1508, 1517, 1519, 1537 et 1542), ce grand succès de librairie est pourtant devenu d'une grande rareté. Remplacé au XVIe siècle par des ouvrages écrits par des anatomistes comme Carlo Ruini (1597) puis par les grands traités d'Antoine de Pluvinel et de Salomon de la Broue au XVIIe siècle, le Libro de la natura di cavalli va sombrer dans l'oubli. Actuellement, l'exemplaire de l'édition de 1505 conservé à Blois est le seul répertorié de cette édition. Revêtu d'un ex-libris manuscrit de l'abbaye Saint-Julien de Tours, l'ouvrage passe dans le courant des années 1780 dans les collections de Mgr de Thémines, évêque de Blois, qui lui donne sa reliure actuelle en basane brune, avant de passer dans les collections de la bibliothèque de Blois par le biais des confiscations révolutionnaires.
Octobre 2018
[FÉLIX PLATEL] ALBUM CHAM PARIS : LA FRANCE ILLUSTRÉE, CA 1879
Fonds patrimonial, collection Villette
cote MVA 15
Plus populaire que Daumier à la même époque, le caricaturiste et dessinateur Amédée Charles Henri de Noé dit Cham (1818-1879) a fourni des milliers de dessins, en particulier pour la presse. Quelques mois seulement après son décès paraît un album lui rendant hommage et présentant des compositions inédites.
Son grand ami l'abbé Roussel - fondateur de l'œuvre des Orphelins d'Auteuil et directeur de La France illustrée – semble être la cheville ouvrière de cette publication. Il a obtenu de la famille des dessins de jeunesse où Cham esquisse le portrait de ses proches. Ces ébauches révèlent son aptitude au dessin dès son plus jeune âge. Elles témoignent également de son sens de l'humour dans des autoportraits où l'adolescent fait écho à sa taille démesurée en accentuant la longueur de ses jambes.
L'ouvrage est recouvert d'une percaline rouge et d'une plaque dorée aux armes du grand-père de Cham, comte de Noé et pair de France. Il est vendu au profit des Orphelins d'Auteuil et les rédacteurs ont placé en frontispice un portrait de l'abbé Roussel dressé par Cham. L'artiste y a inséré une dédicace à son « ami bien sincère et ici la charge s'arrête ». Une préface d'Alexandre de Salies, rédacteur en chef de La France illustrée, introduit la sélection des dessins dont une partie a paru dans l'hebdomadaire entre 1875 et 1879. Le chroniqueur Félix Platel dit Ignotus, spécialisé dans le portrait de ses contemporains, s'attarde sur la personnalité de Cham. Son journal Le Figaro a par ailleurs lancé une souscription en 1878 pour sauver l'œuvre d'Auteuil.
L'album provient d'une donation reçue de Mme Irmgard Villette par la ville de Blois en 2003. Son époux Max Villette avait réuni un remarquable ensemble de livres et de périodiques du XIXe siècle liés au dessin satirique. La collection est désormais conservée et consultable au Fonds patrimonial des bibliothèques d'Agglopolys.
Septembre 2018
ÉRASME DE ROTTERDAM,LIBELUS DE CIVILITATE MORUM PUERILIUM,
Vendôme : Sébastien Hyp, 1638.
cote LF 756
En cette période de rentrées des classes, c'est un grand classique de l'éducation que nous présentons ce mois-ci. Écrit par Érasme de Rotterdam et publié pour la première fois en 1530, l'ouvrage s'adresse au prince Henri de Bourgogne et constitue un manuel de savoir vivre à l'usage des enfants et des jeunes gens. Dans cet opuscule rédigé en latin, Erasme énonce des règles de bienséance qui n'étaient pas encore très en usage de son temps : règles d'hygiène corporelle (on doit cracher et moucher peu et user d'un mouchoir si on a à le faire), usages à suivre à table, dans la conversation, à l'église, dans le jeu, conseils en matière d'habillement et de mode, préceptes moraux et éducatifs. Dès sa parution à Bâle, l'ouvrage connaît un succès fulgurant et est imité et adapté dans l'Europe entière, notamment au XVIIe siècle par Jean-Baptiste de la Salle et les frères des Écoles Chrétiennes. Jusqu'au XIXe siècle, la Civilité puérile reste un manuel en usage dans la plupart des écoles.
La présente édition a été imprimée à Vendôme spécialement pour les élèves du collège des Oratoriens de cette ville. Sorti des presses de Sébastien Hyp, imprimeur actif à Vendôme à partir de 1637et jusqu'à sa mort le 27 février 1666, ce petit ouvrage dut être d'un usage constant durant tout le XVIIe siècle et pas seulement à Vendôme puisqu'un ex-libris manuscrit indique que cet exemplaire a servi au collège des Jésuites de la Flèche. Cependant, en raison même de son caractère usuel, ce livre est devenu d'une extrême rareté. Il est bien connu que les livres les plus courants sont ceux auxquels on prête le moins d'attention. L'exemplaire de la bibliothèque de Blois est ainsi le seul à avoir survécu d'une production sans doute assez abondante. Cette édition vendômoise est en effet absente de tous les catalogues de bibliothèques publiques et n'est mentionnée dans aucune bibliographie.
Bien éloigné dans sa forme austère des actuels livres de classe, ce petit ouvrage reste un précieux témoignage de la manière dont les enfants, principalement les garçons, ont été éduqués pendant près de quatre siècles.
Juillet 2018
E. VERLAC, DICTIONNAIRE SYNOPTIQUE DE TOUS LES VERBES DE LA LANGUE FRANÇAISE ENTIÈREMENT CONJUGUÉS
Paris : Didier, 1850
Cote FR 23
Parmi les très nombreux dictionnaires de toutes sortes conservés dans le fonds patrimonial des bibliothèques d'Agglopolys – dictionnaires de langues, dictionnaires historiques, techniques, religieux, juridiques et même un dictionnaire des dictionnaires pour tenter d'épuiser le sujet – le dictionnaire que nous présentons ici est particulièrement original
Sa première originalité consiste dans le projet de recenser tous les verbes de la langue française, tant réguliers qu'irréguliers. De abaisser à zinzoliner (rendre de couleur bleue zinzolin), ce sont plusieurs milliers de verbes qui sont recensés, certains d'usage très courant, d'autres totalement oubliés ou déjà inusités en 1850. Qui connaît encore le sens du verbe ensimer (imbiber d'huile une étoffe pour la faire friser), de parpayer (achever de payer), de harauder (tromper, se moquer), de basquiner (ensorceler) ou de boursiller (contribuer d'une petite somme à une dépense commune). Le simple feuilletage de la liste est en soi un voyage dans la langue française.
Mais ce dictionnaire offre une autre originalité : il propose en un tableau synoptique la conjugaison de ces verbes à toutes les personnes de tous les temps de tous les modes. Une fois que l'on a compris le système de lecture - le radical, la désinence et la terminaison - on peut sans risque conjuguer tous les verbes, même les plus compliqués, jusque dans les temps les plus inusités de nos jours comme le plus-que-parfait du subjonctif.
Juin 2018
GRANDE SEMAINE DE BLOIS : 17-25 JUIN 1922 (LC 3442)
Tout un programme de festivités durant cette « Grande Semaine de Blois » !
Organisées dès 1880 par la municipalité, les fêtes populaires trouvent un nouvel essor au début du XXe siècle avec la création de la « Société des fêtes blésoises ». Elles deviennent alors annuelles et se tiennent généralement au mois de juin.
Ce catalogue édité pour l'occasion en 1922 est un formidable témoin de son époque. On trouve tout d'abord de nombreux encarts publicitaires aux noms évocateurs : chocolaterie et biscuiterie Poulain, magasins de confection « A la belle jardinière » et « Au Gant d'or », Usine à gaz de Blois, etc.
Le programme de la semaine tient également toutes ses promesses… On y retrouve des courses cyclistes, des concerts, des expositions, des bals mais aussi : bataille de fleurs rue Denis Papin, concours d'ombrelles fleuries, embrasement électrique du château, « audition d'un message émis, par téléphonie sans fil, de la Tour Eiffel », concours de poupons sur la terrasse de l’Évêché et concours agricoles avec les taureaux Brutus et Pompon et les vaches Fauchette et Serpentée. Autres temps, autres divertissements !
Mai 2018
Tous sur le pont !
Le pont médiéval de Blois
dessin à la plume sur papier, ca 1716, RLVZ 343
En cette période de ponts – et même de viaducs – qui s'enchaînent durant le mois de mai, voici un autre pont, bien matériel celui-ci !
Représenté par un dessin du début du XVIIIe siècle, il s'agit du pont médiéval de Blois. Attesté par un document de 1089, ce pont a été pendant plus de 600 ans le seul passage en dur sur la Loire entre Beaugency et Amboise. Emprunté par la route royale des postes de Paris à l'Espagne, point de passage obligé des bateaux montant et descendant sur la Loire et à ce titre siège d'un des nombreux péages du fleuve, il finit sa carrière emporté par une débâcle des glaces qui détruisit 13 arches dans la nuit du 6 au 7 février 1716. Le dessin nous montre que la disposition même de ce pont fut la cause de sa chute. Composé de 20 arches très étroites, chargé d'une quinzaine de maisons en encorbellement sur les deux parapets, défendu par une tour et un pont levis sur la treizième pile, pourvu de roues de moulins qui encombraient cinq arches du côté de la ville, le pont constituait un barrage naturel à l'écoulement des glaces. Fragilisé par sa vétusté, attestée à de nombreuses reprises par des écroulement partiels et des affaissements au cours des XVI et XVIIe siècles, le pont ne résista pas au rigoureux hiver de 1716 et tomba dans le fleuve, emportant avec lui la chapelle Saint-Fiacre et la précieuse statue de la Vierge qu'elle abritait.
La Ville de Blois sut alors manœuvrer habilement. Une délégation envoyée auprès de Philippe d'Orléans, alors régent du royaume, lui représenta que c'était une route royale qui passait sur ce pont et que l'intérêt bien compris du duc d'Orléans, dont Blois était une des principales villes de son duché, commandait une reconstruction rapide de ce pont. Le Régent se laissa facilement convaincre et mit tout en œuvre pour que le pont fut rapidement reconstruit. Dès 1717 on lançait les fondations et, en 1724, le nouveau pont, bâti sur les plans et sous la direction de Jacques V Gabriel, premier ingénieur des Ponts-et-Chaussées, était ouvert à la circulation.
Pour en savoir plus
Alfred de Martonne, L'ancien pont de Blois et sa chapelle, 1863, LB 1089
Pierre Dufay, La destruction du pont de Blois et de la chapelle Saint-Fiacre par la débâcle de 1716, 1913, LB 1423
Jean Chavigny, « L'ancien et le nouveau pont de Blois », Le Flambeau du Centre, novembre décembre 1936, LP 52
Avril 2018
Les Fables de La Fontaine illustrées par Benjamin Rabier (MVA 29), 1906
La qualité graphique des gravures de Garneray et leur précision, rendue possible par l'aquatinte, font des Cotes de France une représentation très vivante de la France de la Restauration.
Fables de La Fontaine semblent indémodables : illustrées par les plus grands noms du dessin et de la gravure (de Gustave Doré à Grandville), adaptées de nombreuses fois au théâtre et au petit écran, elles n'ont rien perdu de leur actualité ni de leur mordant.
La parution du recueil illustré par Benjamin Rabier en 1906 s'inscrit dans cette longue tradition, tout en faisant preuve d'une réelle originalité. Il réinterprète ainsi plus de trois cents fables dans un style graphique très personnel.
Principalement connu pour ses personnages de La Vache qui rit et du canard Gédéon (seize albums), Benjamin Rabier est un passionné des animaux qu'il aime mettre en scène dans des albums plein de tendresse et de malice (Le Buffon choisi, Le roman de Renart, Histoire comique et naturelle des animaux, etc.).
Délaissant le cadre trop rigide des précédentes versions des Fables, où l'illustration était placée systématiquement au début ou la fin du texte, il casse les codes en variant les dispositions, les motifs, les formats et les couleurs. Cette fusion entre les vignettes et le texte préfigure la liberté de ses futurs albums et la construction de la bande dessinée actuelle. La poésie qui s'en dégage n'en fait pas oublier la saveur des textes, dénonçant avec élégance les vices de la nature humaine pour notre plus grand plaisir
Fable choisie : Le lion, le loup et le renard, en écho à l'exposition du Muséum d'histoire naturelle de Blois « Renard, qui es-tu ? » du 31 mars au 16 septembre 2018
Mars 2018
Ambroise Louis Gameray
Vues des côtes de France dans l'Océan et dans la Méditerranée
Paris : Panckoucke, 1823. cote D 226
Fils d'un peintre élève de David, Ambroise Louis Garneray (1783-1857) s'engage à 13 ans dans la marine. Pendant une quinzaine d'années, il navigue dans l'océan indien entres les îles Maurice et de la Réunion. Rendu à la vie civile, il se consacre à la peinture. Le duc d'Angoulême, alors grand amiral de France, l'emploie comme son peintre officiel et l'envoie faire une tournée des ports de France. Garneray parcourt alors toutes les côtes françaises d'où il revient avec une ample moisson de croquis. Dans les années 1820, il met au propre ces dessins et réalise une importante série de grandes gravures à l'aquatinte. Cette technique de gravure, dérivée de l'eau forte mais avec l'adjonction de poudre de colophane ou de bitume, permet une gamme de gris veloutés allant du gris très pâle au noir le plus profond
Publié en 1823, l'album des Côtes de France regroupe une trentaine de vues allant de Dunkerque à Ajaccio et présentant à la fois de très grands ports comme Rouen, Nantes, Bordeaux ou Marseille et des sites plus confidentiels comme Port de Bouc ou Saint-Tropez ou même en devenir comme Biarritz qui n'est à cette date qu'une bourgade ou la rade d'Hyères alors en pleine campagne.
Quelle que soit l'importance du site représenté, Garneray présente toujours sa scène sur deux plans. Le paysage occupe l'essentiel de la vue : arrière-plans de collines ou de coteaux, scénographie urbaine, parfois très spectaculaire comme celle du grand pont de Bordeaux, aménagements portuaires.
Mais Garneray donne également une grande importance aux premiers plans toujours très détaillés. Les épisodes maritimes et portuaires sont évidemment les plus nombreux : déchargement de navire à Bayonne, radoub d'un bateau à Saint-Tropez, navire entrant au port par gros temps à Calais et même scène de naufrage à Dieppe. On voit également des moyens de transport variés : un traîneau à marchandises sur le quai de Libourne, une diligence entrant au grand trot au port de Boulogne, une voiture d'enfant sous le pont de Bordeaux, les caloges mises au sec sur la plage d'Étretat ou une élégante descendant de cheval à l'aide d'un petit escabeau sur la plage de Biarritz. Mais ce sont aussi des scènes rurales comme aux îles d'Hyères ou une dessinatrice à l'œuvre devant la rade de Toulon.
La qualité graphique des gravures de Garneray et leur précision, rendue possible par l'aquatinte, font des Cotes de France une représentation très vivante de la France de la Restauration.
Février 2018
L'ASSIETTE AU BEURRE
Ms 5
Parmi les nombreux périodiques offerts à la bibliothèque de Blois par madame Villette en 2003, l'Assiette au beurreest certainement l'un des plus représentatifs de la presse satirique de la belle époque. Fondée en 1901 par Samuel Schwarz, un hongrois implanté à Paris dans les années 1880 et publiée jusqu'en 1912, cette revue tranche sur la plupart des journaux satiriques par son format, par sa mise en page privilégiant le dessin en pleine page et en couleurs, par la quasi-absence de texte et de publicité et surtout par la qualité de ses collaborateurs. L'Assiette au Beurre fait travailler en effet la crème des artistes du début du siècle comme Forain, Willette, Caran d'Ache, Steinlein, Cappiello, Jossot, Delannoy, Vallotton, Poulbot, Van Dongen.
Très vite, la revue adopte le principe de numéros thématiques, s'attaquant principalement aux trois puissances que sont l'armée, le clergé et la justice, mais stigmatisant aussi les phénomènes de société tels que la pauvreté, la crise du logement, la prostitution, le scandale du lait frelaté (déjà) et flétrissant les agissements des grands de ce monde. Le tsar Nicolas II, le roi d'Espagne Alphonse XIII, le président Kruger sont ainsi les cibles de la revue qui met en scène, de façon parfois violente, les actions contestables de ces chefs d'état. Ces prises de position valent à l'Assiette au Beurre d'être censurée à plusieurs reprises notamment le numéro 26 du 29 septembre 1901 qui est retiré de l'affichage en raison du portrait charge qu'elle donne d'Edouard VII d'Angleterre, représenté sous la forme des fesses de la perfide Albion. Le portrait sera republié avec une jupe cachant plus ou moins les traits du souverain.
D'une liberté de ton rarement atteinte dans la presse de la belle époque, L'Assiette au Beurre réalise une belle symbiose entre « violence du message et violence graphique » que l'on ne retrouvera que beaucoup plus tard dans des revues comme Hara Kiri ou Charlie Hebdo.
Janvier 2018
Livre d'heures à l'usage d'Orléans
Ms 5
En cette période du début de l'année où l'on s'échange les vœux traditionnels et où l'on change de calendrier, les bibliothèques d'Agglopolys présentent un de leurs plus précieux manuscrits anciens où il est justement question de calendrier. Le livre d'heures qui porte aujourd'hui la cote « manuscrit 5 », comporte, comme tous les livres d'heures, un calendrier liturgique, indiquant les principales fêtes de l'année. Or ce calendrier présente un très grand nombre de saints honorés essentiellement dans les diocèses de Chartres et d'Orléans.
On trouve ainsi au 19 janvier saint Laumer, au 28 mai saint Chéron, évêque de Chartres, au 3 juin saint Liphard, solitaire au diocèse d'Orléans. Saint Aignan, évêque d'Orléans se fête le 14 juin, saint Euverte, également évêque d'Orléans, le 12 septembre, saint Mesmin, abbé de l'abbaye de Micy, le 19 novembre. Mais s'il fallait une preuve certaine que ce calendrier est bien propre au diocèse d'Orléans, la date du 8 mai ne laisse subsister aucun doute : à cette date on célèbre la délivrance d'Orléans, ce qui permet également de dater le manuscrit après cet événement historique qui s'est déroulé en 1429. L'écriture gothique du manuscrit, le style des enluminures, la mode vestimentaire confirment cette datation que l'on peut placer vers 1440-1450.
Outre le calendrier, ce livre d'heures comporte les principales prières et offices que l'on récitait journellement dans les abbayes et couvents mais également dans les familles pieuses qui avaient le temps de prier et les moyens de s'offrir un livre d'heures : office de la Vierge, office du saint Esprit, office de la Passion L'office de la Vierge est introduit et rythmé par des peintures à pleine page représentant les principaux épisodes de la vie de Marie : l'annonciation, la visitation, la nativité du Christ, l'annonce aux bergers, l'adoration des mages, la fuite en Égypte, la circoncision du Christ, le couronnement de la Vierge. La crucifixion introduit l'office de la Passion et la Pentecôte celui du Saint-Esprit. Le roi David en prières introduit les sept psaumes de la pénitence et l'inhumation d'un enfant introduit la litanie à saint Blaise. On voit encore une grande enluminure représentant une famille, le mari en armure et la femme coiffée d'un hennin caractéristique du milieu du XVe siècle, accompagnés de leur cinq garçons et de leurs quatre filles. Des armoiries de part et d'autre du couple permettraient sans doute d'identifier ceux qui sont vraisemblablement les commanditaires et premiers propriétaires de ce livre d'heures, mais elles gardent pour le moment leur secret. La qualité des peintures, le soin apporté à la calligraphie, la finesse du vélin sur lequel ce livre d'heures a été peint laissent supposer une famille plus qu'aisée, sans doute orléanaise. Mais la reliure moderne réalisée au XIXe siècle ayant fait disparaître les anciennes marques d'appartenance et notamment l'ex-libris de l'abbaye de Saint-Laumer de Blois qui avait permis au bibliothécaire Alexandre Dupré d'indiquer cette provenance dans son étude sur les manuscrits de la bibliothèque de Blois, le manuscrit n° 5 garde encore bien des secrets.
Décembre 2017
GOVARD BIDLOO
Anatomia humani corporis,...
Amsterdam : Joan. Someren, 1685
cote : T 154
Fils d'un pharmacien d'Amsterdam, Govard Bidloo (1649-1713) étudie d'abord la chirurgie puis la médecine avant de devenir lecteur de dissection anatomique à la Haye en 1688 puis professeur d'anatomie et de médecine à l'université de Leyde en 1694, poste qu'il occupe jusqu'à sa mort.
Publiée en 1685, l'Anatomia assied la réputation de Bidloo comme l'un des plus grands anatomistes de l'histoire de la médecine classique. Les planches de l'ouvrage, gravées d'après les dessins de Gérard de Lairesse (1640-1711), mettent en évidence la distorsion entre l'objectivité scientifique réclamée par l'auteur et le regard de l'artiste. Tout en montrant de manière très précise les différentes strates du corps humain, depuis la peau jusqu'aux os en passant par la chair, les tissus cellulaires, les muscles et les organes, le graveur met en scène les modèles. Tantôt, il laisse entrevoir la physionomie du sujet, tantôt il lui fait adopter des poses incompatibles avec la dissection, telle cette vue des muscles du dos d'une jeune femme. Le modèle est assis, jambes écartées légèrement repliées. La jeune femme prend appui sur son bras gauche. Mais la peau, qui conserve sur les bras et les fesses la douceur d'un épiderme vivant, arrachée sur le dos, retombe sur la taille et dévoile la masse glaireuse des tissus graisseux d'une manière presque obscène. D'autres planches entretiennent jusqu'au malaise cette confusion entre objectivité et mise en scène. En privilégiant l'émotion esthétique, l'ouvrage perd ainsi une partie de sa crédibilité scientifique. Il reste néanmoins l'un des plus fascinants livres d'anatomie et surement l'un des plus beaux jamais publiés.
Novembre 2017
Fausses adresses et faux noms d'imprimeur
Pierre AUBERY,
Histoire du cardinal duc de Richelieu
Cologne [Amsterdam] : chez Pierre du Marteau [Daniel Elzevier], 1666
Nicolas GUEUDEVILLE
Critique du premier tome des avantures de Télémaque
Cologne : chez les héritiers de Pierre Marteau, 1700
PINEL de La MARTELIERE
La vie et les bons mots de M. de Santeuil
Cologne : chez Abraham l'Enclume, gendre d'Antoine Marteau, 1738
Giuseppe Francesco BORRI
La chiave del gabinetto
Colonia : apresso Pietro Martello, 1681
Les auteurs et les éditeurs du XVIIe siècle qui ne désiraient ou ne pouvaient publier leur ouvrage avec un privilège, en raison de son contenu, l’éditaient sous un nom d’éditeur fictif. L'adresse de Pierre Marteau à Cologne, la plus utilisée, signale un ouvrage dont le contenu politique, religieux ou licencieux contrevient aux normes de l’autorité. Elle signale également les contrefaçons, souvent réalisées par des éditeurs peu scrupuleux pour exploiter les succès de librairie dont ils ne détenaient pas le privilège d'impression. Le nom de Pierre du Marteau est utilisé pour la première fois par Jean Elzevier en 1660 pour un recueil de pièces sur Henri III qui sera à son tour contrefait par Abraham Wolfgang en 1666. L'Histoire du Cardinal Duc de Richelieu est imprimé à Amsterdam par Daniel Elzevier sous l'adresse de Pierre Marteau, pour des raisons politiques, l'ouvrage étant assez défavorable à Richelieu et donc à la France. D'autres imprimeurs hollandais ou de Rouen, se dissimulent derrière Pierre Marteau. Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, on utilise le nom de Pierre Marteau mais aussi celui de La veuve Marteau, les Héritiers Marteau ou le Gendre de Marteau. Il y eut même des Petri Martello italiens, des Peter Hammer allemands ou Petrus Martellus latins. Mais on trouve également un Pierre de la Place qui n'a pas eu plus d'existence réelle que Pierre Marteau.
D'autres fausses adresses ont été utilisées par les éditeurs, souvent pour les mêmes raisons de livres politiquement incorrects, le plus souvent imprimés clandestinement à Paris mais portant des adresses de fantaisie, parfois en rapport avec le sujet de l'ouvrage. Parmi ces lieux, le nom de Villefranche est le plus utilisé, mais on trouve aussi La Grange Baudet, Cosmopoli, Mystificatopolis, Eleuthéropolis, Philadelphie ou... Nulle Part !
Octobre 2017
L'ASSIETTE AU BEURRE
Ms 5
Parmi les nombreux périodiques offerts à la bibliothèque de Blois par madame Villette en 2003, l'Assiette au beurreest certainement l'un des plus représentatifs de la presse satirique de la belle époque. Fondée en 1901 par Samuel Schwarz, un hongrois implanté à Paris dans les années 1880 et publiée jusqu'en 1912, cette revue tranche sur la plupart des journaux satiriques par son format, par sa mise en page privilégiant le dessin en pleine page et en couleurs, par la quasi-absence de texte et de publicité et surtout par la qualité de ses collaborateurs. L'Assiette au Beurre fait travailler en effet la crème des artistes du début du siècle comme Forain, Willette, Caran d'Ache, Steinlein, Cappiello, Jossot, Delannoy, Vallotton, Poulbot, Van Dongen.
Très vite, la revue adopte le principe de numéros thématiques, s'attaquant principalement aux trois puissances que sont l'armée, le clergé et la justice, mais stigmatisant aussi les phénomènes de société tels que la pauvreté, la crise du logement, la prostitution, le scandale du lait frelaté (déjà) et flétrissant les agissements des grands de ce monde. Le tsar Nicolas II, le roi d'Espagne Alphonse XIII, le président Kruger sont ainsi les cibles de la revue qui met en scène, de façon parfois violente, les actions contestables de ces chefs d'état. Ces prises de position valent à l'Assiette au Beurre d'être censurée à plusieurs reprises notamment le numéro 26 du 29 septembre 1901 qui est retiré de l'affichage en raison du portrait charge qu'elle donne d'Edouard VII d'Angleterre, représenté sous la forme des fesses de la perfide Albion. Le portrait sera republié avec une jupe cachant plus ou moins les traits du souverain.
D'une liberté de ton rarement atteinte dans la presse de la belle époque, L'Assiette au Beurre réalise une belle symbiose entre « violence du message et violence graphique » que l'on ne retrouvera que beaucoup plus tard dans des revues comme Hara Kiri ou Charlie Hebdo.
Septembre 2017
Rodolphe Töpffer
Les amours de Mr Vieux Bois
Paris, 1860
Cote MVC 234
C'est vers 1827 que l'écrivain et illustrateur suisse Rodolphe Töpffer (1799-1846) se lance dans la rédaction et l'illustration de ses histoires fantaisistes mettant en scène des personnages improbables tels que monsieur Jabot, monsieur Cryptogame ou monsieur Crépin. De tous ces personnages, monsieur Vieux Bois est sans doute l'un des plus extravagants. Parodiant les romans d'aventure, Töpffer imagine, pour ce parangon de vieux garçon jouant au séducteur éternellement éconduit, les situations les plus outrées, dont le héros se tire toujours de manière invraisemblable, non sans avoir changé de linge toutes les quatre ou cinq pages. Imaginé dès 1827 mais publié seulement dix ans plus tard, l'ouvrage connaît de nombreuses éditions prouvant son succès auprès d'un très large public. Le dessin au trait est volontairement naïf et peu travaillé (quoique cependant très juste dans les attitudes et les physionomies) soulignant le côté irréaliste de l'histoire. La mise en pages, mêlant texte et dessin annonce, avec un bon siècle d'avance, les bandes dessinées dont Töpffer passe souvent pour le créateur.
Ce bel album fait partie de la collection offerte en 2003 à la bibliothèque de Blois par madame Villette en souvenir de son mari Max Villette, qui réunit un ensemble d'environ 1700 ouvrages illustrés, principalement du XIXe siècle, parmi lesquels les ouvrages de Töpffer sont représentés par une dizaine de titres.
Août 2017
Athanasius Kircher
Oedipus Aegyptiacus,
Rome : Mascardi, 1652-1654,
cote H 420-421
Mathématicien, physicien, naturaliste, archéologue, le jésuite Athanase Kircher, né en Allemagne, ayant vécu en France, en Autriche, en Italie et finalement mort à Rome, était curieux de tout et entretenait une correspondance avec les principaux savants de son temps, tels Marin Mersenne, Peiresc ou Gassendi. Ses ouvrages traitent tour à tour d'optique, de musique, d'astronomie, de géographie, de linguistique, de géologie, d'histoire sacrée, de magnétisme, d'occultisme et de bien d'autre chose encore. S'il fut salué comme l'un des plus grands érudits de son temps, sa célébrité est aujourd'hui presque totalement tombée dans l'oubli tant les résultats de ses patientes recherches ont été contredits ultérieurement par la science. Que ce soit le décryptage des hiéroglyphes égyptiens qu'il pensait avoir résolu, ses positions sur le géocentrisme de l'univers, ses hypothèses sur la génération spontanée, une grande part de son oeuvre a été démentie. Mais ses travaux sur la lanterne magique, dont il est sans doute le créateur, annoncent le cinéma, ses recherches sur le magnétisme ouvrent la voie à d'autres travaux et il reste l'un des premiers à avoir démontré que le centre de la terre se compose de magma en fusion. En même temps Kircher synthétise la plupart des acquis scientifiques de son temps et est sans doute le dernier représentant de ces humanistes qui du XVe au XVIIe ont tenté d'embrasser tous les savoirs du monde et d'en donner une version vulgarisée, accessible au plus grand nombre.
Oeuvre majeure de Kircher, celle sans doute dans laquelle il s'est le plus investi, la plus monumentale en tout cas, « l'Oedipe égyptien » rassemble toutes les connaissances du temps sur l'histoire et la géographie de l'Egypte. Comme Oedipe résolvant l'énigme du sphinx, Kircher entend percer les mystères de l'Égypte ancienne et notamment celui des hiéroglyphes. Ce faisant, il tente brillamment une approche globale de l'origine des religions, trouvant dans le livre d'Enoch, les écrits de Zoroastre, Orphée, Pythagore, Platon, Hermès Trismégiste la source de la sagesse inspiratrice de la religion chrétienne, mais négligeant au passage les preuves apportées par Isaac Casaubon de l'antériorité du christianisme sur les écrits d'Hermès Trismégiste, datant en réalité des premiers siècles de l'ère chrétienne. Ouvrage attendu, l'Oedipus Aegyptiacus fut largement subventionné par un don de 3000 scudi de l'empereur Ferdinand III et par de multiples autres dons que Kircher suscita par les nombreuses dédicaces des diverses parties du livre. La postérité fut sévère avec cet ouvrage et notamment Champollion qui critiqua, non sans raison mais avec beaucoup de sévérité, les conclusions de Kircher sur le déchiffrage de l'écriture hiéroglyphique.
Les bibliothèques d'Agglopolys possèdent la majeure partie des œuvres de Kircher avec 25 titres sur les 33 publiés du vivant de l'auteur ou après sa mort. L'Oedipus Aegyptiacus est actuellement montré dans l'exposition L'alchimie à livres ouverts – En quête des secrets de la matière, livres et manuscrits du XVIe au XXe siècle, jusqu'au 23 septembre à l'espace Angelier de la Bibliothèque Abbé-Grégoire.
Juillet 2017
Athanasius Kircher
Oedipus Aegyptiacus,
Rome : Mascardi, 1652-1654,
cote H 420-421
Mathématicien, physicien, naturaliste, archéologue, le jésuite Athanase Kircher, né en Allemagne, ayant vécu en France, en Autriche, en Italie et finalement mort à Rome, était curieux de tout et entretenait une correspondance avec les principaux savants de son temps, tels Marin Mersenne, Peiresc ou Gassendi. Ses ouvrages traitent tour à tour d'optique, de musique, d'astronomie, de géographie, de linguistique, de géologie, d'histoire sacrée, de magnétisme, d'occultisme et de bien d'autre chose encore. S'il fut salué comme l'un des plus grands érudits de son temps, sa célébrité est aujourd'hui presque totalement tombée dans l'oubli tant les résultats de ses patientes recherches ont été contredits ultérieurement par la science. Que ce soit le décryptage des hiéroglyphes égyptiens qu'il pensait avoir résolu, ses positions sur le géocentrisme de l'univers, ses hypothèses sur la génération spontanée, une grande part de son oeuvre a été démentie. Mais ses travaux sur la lanterne magique, dont il est sans doute le créateur, annoncent le cinéma, ses recherches sur le magnétisme ouvrent la voie à d'autres travaux et il reste l'un des premiers à avoir démontré que le centre de la terre se compose de magma en fusion. En même temps Kircher synthétise la plupart des acquis scientifiques de son temps et est sans doute le dernier représentant de ces humanistes qui du XVe au XVIIe ont tenté d'embrasser tous les savoirs du monde et d'en donner une version vulgarisée, accessible au plus grand nombre.
Oeuvre majeure de Kircher, celle sans doute dans laquelle il s'est le plus investi, la plus monumentale en tout cas, « l'Oedipe égyptien » rassemble toutes les connaissances du temps sur l'histoire et la géographie de l'Egypte. Comme Oedipe résolvant l'énigme du sphinx, Kircher entend percer les mystères de l'Égypte ancienne et notamment celui des hiéroglyphes. Ce faisant, il tente brillamment une approche globale de l'origine des religions, trouvant dans le livre d'Enoch, les écrits de Zoroastre, Orphée, Pythagore, Platon, Hermès Trismégiste la source de la sagesse inspiratrice de la religion chrétienne, mais négligeant au passage les preuves apportées par Isaac Casaubon de l'antériorité du christianisme sur les écrits d'Hermès Trismégiste, datant en réalité des premiers siècles de l'ère chrétienne. Ouvrage attendu, l'Oedipus Aegyptiacus fut largement subventionné par un don de 3000 scudi de l'empereur Ferdinand III et par de multiples autres dons que Kircher suscita par les nombreuses dédicaces des diverses parties du livre. La postérité fut sévère avec cet ouvrage et notamment Champollion qui critiqua, non sans raison mais avec beaucoup de sévérité, les conclusions de Kircher sur le déchiffrage de l'écriture hiéroglyphique.
Les bibliothèques d'Agglopolys possèdent la majeure partie des œuvres de Kircher avec 25 titres sur les 33 publiés du vivant de l'auteur ou après sa mort. L'Oedipus Aegyptiacus est actuellement montré dans l'exposition L'alchimie à livres ouverts – En quête des secrets de la matière, livres et manuscrits du XVIe au XXe siècle, jusqu'au 23 septembre à l'espace Angelier de la Bibliothèque Abbé-Grégoire.
Juin 2017
Acta eruditorum Lipsiae
Leipzig : Gross et Gleiditsch
Cote : F 12237 à F 12336
Première revue scientifique de l'histoire de l'Allemagne, les Acta eruditorum furent publiés en latin sans interruption de 1682 à 1782. Equivalent du Journal des Savants publié à Paris à partir de 1665 (et toujours édité en 2017), les Acta eruditorum donnaient chaque mois une recension et un résumé des articles et des ouvrages savants parus en Europe, principalement dans le domaine des sciences (physique, chimie, mathématiques, astronomie) mais aussi en théologie et en philosophie.
Pour la ville de Blois c'est une publication importante car c'est dans ses pages que Denis Papin fit paraître plusieurs résultats de ses incessantes recherches. Issu d'une famille blésoise de tradition protestante, Denis Papin reste sans doute le blésois le plus célèbre bien qu'il ait passé l'essentiel de sa vie à l'étranger. Après des études à l'académie protestante de Saumur puis à Angers où il est reçu docteur en médecine en 1669, il rejoint à Paris Christian Huygens avec qui il travaille jusqu'en 1675, date à laquelle il part à Londres. C'est dans cette ville qu'il présente en 1679 sa première invention, le digesteur ou marmite autoclave qui lui vaut d'être élu à la Royal society. Alarmé par le retour des jésuites en Angleterre et par la révocation de l'Edit de Nantes en France, il s'installe en Allemagne à Marbourg puis à Cassel où il multiplie travaux et découvertes. Enseignant la navigation, l'algèbre, l'astronomie, la géométrie et l'hydraulique, il met au point un moteur à explosion, une machine à vapeur à piston, une méthode d'arpentage, un fourneau pour couler les miroirs, un ventilateur centrifuge, un bateau à vapeur et même un prototype de sous-marin, toutes inventions qui ne lui rapportent que déboires, jalousie, calomnie et incompréhension. Il meurt dans la misère, sans doute à Londres entre 1712 et 1714. Les Acta eruditorum ont rendu compte de ses travaux en 1688, 1690, 1691, 1695 et 1707.
Mai 2017
Suecia antiqua et hodernia
[La Suède ancienne et moderne]
Stockholm : 1691-1714
Cote : O 1186-1187
Cet ouvrage a été entrepris aux frais du roi de Suède Charles XII par le comte Eric de Dahlberg (1625-1703), architecte militaire, entre 1660 et sa mort. Réalisé par une dizaine de graveurs, l'ouvrage ne fut jamais commercialisé et servit de cadeau diplomatique à l'usage du roi de Suède. Dans son principe l'ouvrage s'apparente aux livres édité par l'éditeur suisse Mathias Mérian ou mieux encore à la Topographie française de Claude Chastillon. Dépourvu de texte, il rassemble plus de trois cent cinquante planches représentant les villes, châteaux et églises remarquables de la Suède ainsi que des portraits de grands dignitaires et des monnaies du pays. Les quelques sites naturels sont tout à fait exceptionnels. Le paysage y est présent pour lui-même et non pour les monuments ou les activités humaines qu’on trouve dans les autres planches. Ainsi les cataractes d’Elekarlebye sont-elles représentées avec un louable souci de véracité, sans dramatisation excessive de la mise en scène. De même le lac gelé de Tüüna est représenté avec une remarquable économie de moyens.
Recherché par les bibliophiles depuis le XVIIIe siècle, en raison de sa rareté et de la qualité de ses gravures, l'ouvrage est une mine de renseignements non seulement sur la topographie et l'architecture suédoises, mais aussi sur la vie quotidienne en Suède à la fin du XVIIe siècle.
Comme beaucoup de livres précieux du fonds ancien de la bibliothèque de Blois, cet exemplaire est passé par la richissime collection de Mgr de Thémines, évêque de Blois de 1776 à 1791, qui l'a fait relier en maroquin bleu.
Avril 2017
Le procès verbal de la Coutume de Blois
<Une coutume est un usage juridique oral, consacré par le temps et accepté par la population d'un territoire déterminé. Dans la France médiévale, les « pays de coutume » (moitié nord de la France) accordent une place importante à ces traditions orales en opposition aux pays du droit écrit, issus du droit romain. Par l'ordonnance de Montils les Tours en avril 1454, Charles VII impose la rédaction des coutumes afin de mettre fin aux litiges nés des imprécisions de la coutume. Les coutumes s'imposaient dans de nombreux aspects de la vie quotidienne : rapports entre les personnes (régimes matrimoniaux ou successoraux), forme de possession et d'usage des sols, poids et mesures, droits féodaux, eaux et forets, procédures judiciaires etc. Il existait une trentaine de grandes coutumes régionales assorties d'une infinité de variantes locales.
Rédigée en grande partie par l'avocat blésois Denis Dupont que Louis XII avait chargé de cette tâche, la coutume de Blois fut mise par écrit après une assemblée générale des trois ordres du comté, réunis à Blois le 13 avril 1523. C'est le procès-verbal de cette assemblée qui est porté au présent manuscrit. Il rend compte non seulement de l'adoption des articles de la coutume par les députés des trois ordres du comté de Blois, mais aussi des querelles de préséance qui surgirent à l'ouverture de la première séance entre les représentants des principaux seigneurs. Il précise également les modifications demandées par les commissaires royaux ou par les représentants des trois ordres ; enfin il intègre de nouvelles dispositions proposées par les députés.
Imprimée à Paris dès l'année suivant la rédaction du procès verbal (1524) , la Coutume de Blois fut périodiquement réimprimée avec ou sans commentaire jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Passé dans de nombreuses mains de siècle en siècle et notamment dans celles de l'avocat Fourré, commentateur de la Coutume au XVIIIe siècle, le manuscrit aboutit dans la collection de l'historien blésois Louis de La Saussaye (1801-1878). La bibliothèque de Blois l'achète à la vente de la bibliothèque La Saussaye au château de Troussay en juin 1887. Il constitue aujourd'hui un des plus précieux trésors de l'histoire de Blois dans les collections de la bibliothèque.
Mars 2017
[Bible en hébreu]
Biblia sacra cum Punctis (hébraïca)
Anvers, Christophe Plantin, 1578
Ex libris manuscrit de l’abbaye de Saint-Laumer
Cote I 125
Le document de ce mois est une bible en hébreu, publiée par le grand imprimeur Christophe Plantin, d'origine tourangelle, mais établi à Anvers. Publiée quelques années après la grande bible polyglotte dite bible d’Anvers, sortie des mêmes presses de Christophe Plantin, cette bible hébraïque adopte le texte établi par l'érudit Arias Montano avec les points-voyelles sous la ligne qui permettent de donner le sens exact des mots.
La reliure de cette bible est exceptionnelle. Probablement réalisée au proche orient, elle reprend les caractéristiques des reliures de ces régions : peau de veau brune sur des ais de carton souples, rabats revenant sur le tranches et fermoirs qui maintiennent fermée la reliure. Un sobre décor de filets dorés encadrant une frise de rinceaux et un petit fleuron au centre des plats suffisent à l'ornementation. Mais ce qui fait la somptuosité de notre exemplaire sont les tranches dorées, ciselées et peintes dessinant un complexe décor d'entrelacs. Ce type de décor reste exceptionnel sur les ouvrages du XVIe siècle et traduit une reliure de grand luxe. Possédé au XVIIIe siècle par l'abbaye de Saint-Laumer de Blois dont il porte l'ex-libris gravé, ce beau livre fut, dans la première moitié du XVIIe siècle, un outil de travail pour le célèbre pasteur protestant Samuel Bochart (1599-1667), l’un des meilleurs théologiens et philologues français de son temps, capable à vingt ans de lire les Prophètes dans le texte hébreu et qui fut l'hôte de la reine Christine de Suède durant un an. Bochart a porté de nombreuses et microscopiques annotations en latin dans les marges, commentaires ou traduction du texte hébreu.
Février 2017
Paul Iribe, Les robes de Paul Poiret, 1908
Les Robes de Paul Poiret racontées par Paul Iribe sont le fruit de la rencontre entre le dessinateur basque Paul Iribe (1883-1935) et le grand couturier parisien Paul Poiret (1879-1944). Collaborateur de Doucet puis de Worth, il lance sa propre maison de couture en 1903. Dès 1906, il rompt avec tous les critères de la mode en abolissant le corset pour les femmes. En 1908, il demande à Paul Iribe, tout juste arrivé à Paris, de reproduire dans un ouvrage de grand luxe sa nouvelle collection de robes. Inspirées par la mode du Directoire et du premier empire, ces robes à taille très haute, étroites et fluides, se démarquent nettement des modes contemporaines. Pour les présenter, Iribe les situe dans un cadre influencé par le XVIIIe siècle : fauteuil canné et table à ouvrage Louis XV, commode et guéridons Louis XVI. Le graphisme très épuré, la mise en page inspirée par les estampes japonaises, les teintes en à plat, passées au pochoir rompent également avec l'esthétique art nouveau à la mode en 1908 et annoncent, avec plus de quinze d'avance, l'esthétique « art déco ».
Tiré à 250 exemplaires, sur un très beau papier vergé, dépourvu de texte, l'ouvrage destiné à une clientèle fortunée (il est vendu 40 francs, tandis qu'une bonne à tout faire gagne 2 francs par jour) est également envoyé à toutes les souveraines d'Europe qui lui font généralement bon accueil, à l'exception de la reine d'Angleterre qui fait répondre par une de ses dames d'honneur que Paul Poiret ait à « s'abstenir dans l'avenir de tout envoi de ce genre ».
L'exemplaire conservé à Blois provient de la collection Villette, offerte à la bibliothèque en 2003. Il est exceptionnellement revêtu des signatures des deux auteurs ce qui lui confèrent un cachet supplémentaire de rareté et témoigne du caractère d'excellence recherché par Max Villette dans la plupart de ses acquisitions.
Janvier 2017
Le Nécrologe de Pontlevoy
Ce précieux manuscrit est l'un des seuls manuscrits enluminés du Moyen âge conservé dans les bibliothèques d'Agglopolys et le seul dont on peut dire en certitude qu'il a été exécuté dans la région blésoise. Offert à la bibliothèque de Blois dans le courant du XIXe siècle par l'historien Louis de La Saussaye, ce manuscrit a été réalisé vers 1140 à l'abbaye de Pontlevoy sous l'abbatiat de l'abbé Foucher, par le prieur Arnoul. Écrit sur parchemin, il comprend en fait plusieurs textes reliés à la suite les uns des autres. L'ouvrage s'ouvre par le comput c'est à dire le tableau qui permet de calculer la date de Pâques en fonction du calendrier lunaire. Ce tableau, utilisable de 1140 à 1283 permet de dater précisément la date de rédaction du manuscrit.
Vient ensuite le martyrologe d'Usuard, calendrier liturgique indiquant toutes les fêtes de l'année avec les lectures sacrées qui leur correspondent. Établi par Usuard, moine de Saint-Germain des prés sous le règne de Charles le chauve, le martyrologe est ici complété par le fêtes de plusieurs saints propres au Blésois comme saint Mondri, ermite vénéré à Cellettes, saint Bohaire, saint Laumer. Les évangiles de tous les dimanches de l'année forment la troisième partie de ce recueil. La règle de saint Benoît, que tout moine bénédictin se devait de connaître sur le bout des doigts, constitue une quatrième partie.
La dernière partie enfin est constituée du nécrologe de Pontlevoy c'est à dire la liste des morts pour lesquels l'abbaye s'est engagée à prier, souvent pour répondre à une fondation pieuse constituée par le défunt ou pour honorer la mémoire d'un personnage important. Cette partie apporte de nombreuses connaissances tant à l'histoire de l'abbaye qu'à celle du Blésois. Tenu à jour jusqu'au XVe siècle, ce nécrologe fournit en effet les dates de décès de nombreuses personnalités de la région : abbés et moines de Pontlevoy et des prieurés qui en dépendaient mais aussi comtes et comtesses de Blois, grands seigneurs ou simples civils.
Si les enluminures de ce manuscrit sont peu nombreuses, elles sont cependant précieuses car elles constituent le témoignage quasi unique de l'art de l'enluminure en Blésois au XIIe siècle. C'est d'abord une belle composition qui ouvre le martyrologe d'Usuard. Elle représente la Nativité du Christ. Couché dans la mangeoire et enveloppé de bandelettes, il est veillé par une Vierge couchée et par un saint Joseph assis et coiffé du bonnet des prophètes. Les autres enluminures du manuscrit sont des initiales ornées : un grand A ouvrant le texte des évangiles, un S en forme de serpent, commençant la règle de saint Benoît et deux initiales plus petites, un petit A renfermant des têtes d'apôtres et un M formé de deux dragons entrelacés.
Les enluminures du Ms 44 sont visibles sur le site http://www.enluminures.culture.fr/documentation/enlumine/fr/BM/blois_005-01.htm Pour en savoir plus : Colette Beaune, « L'abbaye de Pontlevoy, des origines à l'apogée au XIIIe siècle » in Mémoires de la société des sciences et lettres de Loir-et-Cher, tome 71, 2016
Décembre 2016
Un plan de Blois vers 1680
Entré en 1999 ans les collections de la bibliothèque de Blois, ce plan de Blois et ses environs était présenté au moment de son acquisition comme un plan de l'époque révolutionnaire. Un examen sommaire du document permet de voir que cette datation est inexacte : le pont qui figure avec la chapelle Saint-Fiacre, ne peut être que le pont médiéval détruit en 1717. Et le tracé des remparts, bien visible à l'est de la ville, montre qu'à l'époque où ce plan a été dressé, l'évêché de Blois, édifié en 1700, n'est pas encore construit. Il ne peut donc s'agir que d'un plan antérieur à 1700. En examinant un peu plus attentivement ce plan, il est même possible d'affiner un peu plus sa date de création.
Autour de la ville, tous les couvents établis par la contre réforme au XVIIe siècle à Blois sont présents : Visitandines sur la grand'pièce, Ursulines et Minimes au Bourgneuf, Carmélites et Capucins au Foix, Jésuites face au château, ce qui permet déjà de donner le plan comme postérieur à 1650. De même au château, l'aile Gaston d'Orléans est figurée, certes de manière un peu bancale mais réelle tout de même, ce qui nous place après 1638. Pour la fourchette basse l'absence de la mention « cathédrale » sur l'église Saint-Solenne, montre que l'on est avant que la création de l'évêché en 1697 n'ait transformé cette église paroissiale en siège épiscopal. On peut encore réduire la fourchette grâce à une indication peu visible mais précieuse. Au haut de la rue des Papegaults figure l'inscription « Nouvelles catholiques ». Cette institution, destinée à favoriser la conversion des « hérétiques » protestantes, s'implante à Blois en 1681. Mais trop à l'étroit rue des Papegaults, les nouvelles catholiques déménagent en 1689 vers le Puits du quartier, au pied des degrés Saint-Honoré. Leur présence rue des Papegaults permet de dater le plan entre 1681 et 1689. Au-delà de cette datation assez précise, qui fait de ce plan le plus ancien plan fiable de Blois, ce document renseigne de nombreux points de détails de l'urbanisme de Blois : présence de puits publics au Bourg Neuf, aux Granges, en Vienne ; emplacement précis de la boucherie de Vienne ; notation des « arrivoirs », ces grèves naturelles qui permettaient aux bateaux d'accoster en Vienne en au Foix : présence de toutes les églises conventuelles et paroissiales qui peuplaient toute la ville. Outre les couvents déjà cités, on repère les abbayes de Saint-Laumer et de Bourgmoyen, les couvents des Jacobins et des Cordeliers, les églises paroissiales Saint-Nicolas, Saint Martin, Saint-Honoré, Saint-Solenne, Saint Sauveur et Saint Saturnin, les chapelles Sainte-Catherine et Notre-Dame de Chambourdin, l'hôpital général de Vienne et l'hôtel Dieu de la ville, le prieuré de Saint-Jean en Grève. C'est aussi la représentation des environs qui est précieuse car très rarement figurée ou cartographiée. On distingue notamment les cheminements qui permettent l'arrivée à Blois, les champs de vigne et les jardins qui entourent la ville, les croix qui en marquent les entrées notamment la croix des Granges et la croix des Pêcheurs.
Restait à identifier l'auteur de ce très beau plan. Des recherches au département des cartes et plans de la bibliothèque nationale ont permis d'établir que ce beau plan est dû à Albert Jouvin de Rochefort, trésorier de France à Limoges à partir de 1675 et auteur de plans de six autres villes françaises, très semblables dans leur présentation au plan de Blois.
Pour en savoir plus Bruno Guignard « Un plan de Blois inédit du XVIIe siècle, ou histoire d'une petite enquête sur un certain Jouvin de Rochefort » in Préhistoire, Histoire et Patrimoine en Loir-et-Cher, Blois : CDPA 41, 2000.
Novembre 2016
Les ouvrages dévots du père Patrice de Saint-Dyé
C'est un ouvrage à la fois d'intérêt local et d'intérêt bibliophilique que nous présentons ce mois-ci. Les Ouvrages dévots et curieux rédigés par le capucin Patrice de Saint-Dyé (1612-1665), gardien du couvent de Blois, sont un étrange document. Aujourd'hui quatre exemplaires seulement en sont recensés à Blois et aux Etats-Unis. Ces quatre exemplaires sont tous différents tant par leur taille, leur date de publication (entre 1658 et 1665) que leur composition, les quatre exemplaires n'ayant pas le même nombre de pièces, ni forcément les mêmes pièces, ce qui est déjà en soi une bizarrerie. Mais le contenu même des recueils n'est pas moins étrange : poèmes en forme de croix, anagrammes, acrostiches, carrés et cercles magiques, croix angélique, toutes les pièces qui composent ces recueils sont basées sur des jeux de lettres et sur leur disposition typographique. Héritiers d'une longue tradition remontant à l'antiquité, les Ouvrages dévots se distinguent par leur contenu religieux. Les poèmes mettent presque tous en avant la dévotion à Jésus, à la Vierge et aux saints. L'exemplaire conservé à la bibliothèque de Blois diffère des trois exemplaires connus par la présence d'une dizaine de gravures dont seulement deux se retrouvent dans un des trois autres recueils. Au plan de l'histoire de l'édition, l'ouvrage témoigne du travail des imprimeurs blésois et parisiens au milieu du XVIIe siècle. Les pièces des recueils ont en effet été éditées séparément par au moins trois imprimeurs différents et à des dates qui s'échelonnent entre 1658 et 1664. Ces pièces ne sont imprimées que sur une seule face ce qui témoigne de plusieurs usages : diffusion comme image pieuse à insérer dans un livre de prières ou image de plus grand format à afficher comme tableau au mur d'une chambre ou d'une cellule de religieuse. Beaucoup de ces pièces sont signées de Jules Hotot, imprimeur blésois qui était le neveu par alliance du père Patrice, auteur des Ouvrages dévots. Il est même possible que plusieurs pièces aient été imprimées par le père Patrice lui-même dans l'officine de son neveu. Ces pièces ont ensuite été réunies en quatre recueils différents, pour lesquels des pages de titre ont été spécialement imprimées. L'exemplaire de la bibliothèque, daté de 1661, demeure, comme les trois autres, une rareté et une curiosité bibliophilique.
A lire sur le sujet : Les ouvrages dévots du père Patrice de Saint-Dyé, Cahier n° 22 des Amis de la bibliothèque de Blois
Octobre 2017
En septembre 2015, la bibliothèque de Blois-Agglopolys a fait l'acquisition pour son fonds patrimonial, d'un important ensemble de 164 pièces d'archives médiévales.
Issues de la chambre des comptes qui a fonctionné à Blois du XIIIe siècle à 1775, ces archives montrent le fonctionnement comptable du comté de Blois à l'époque des derniers comtes de la famille de Chatillon (1351-1397) et des deux premiers ducs d'Orléans, possesseurs du comté à partir de 1397.
Beaucoup de personnes gravitaient autour des comtes de Blois : pages, officiers, fauconniers, gardes forestiers, chapelains, archers, capitaines des différents châteaux du comté comme Fréteval, Les Montils, Marchenoir ou Chambord. La plupart sont des personnes peu connues mais quelques-unes sortent de l'anonymat comme Guillaume de Tignonville, chambellan du duc Louis Ier et par ailleurs auteur des Dits moraux de plusieurs philosophes, compilation et commentaires de textes philosophiques.
La majorité des pièces sont des quittances rédigées par le personnel du comté, justifiant du versement de leurs gages annuels ou semestriels ou attestant le paiement d'une gratification exceptionnelle. Certaines pièces nous introduisent dans les secrets de Louis d'Orléans. Ainsi en 1401, il rémunère un chevaucheur « pour certaines besongnes secrètes que nous avions à cueur » sans que l'on sache, hélas, le contenu de ces besognes secrètes. On trouve également nombre d'informations sur les fournitures de la cour : harnachements pour les chevaux, bijoux, tapisseries, vaisselle telle que « hanaps d'or, aiguières d'argent doré ». Des sceaux encore bien conservés, quelques signatures autographes d'officiers comtaux et ducaux, renforcent encore l'intérêt historique de ces pièces.
Ces documents viennent compléter un important ensemble d'archives acquis en 1838 et en 1867 pour la bibliothèque de Blois, provenant des archives de la cour des comptes et ayant transité pour la plupart par la collection du baron de Joursanvault. Il n'est pas cependant certain que les pièces nouvellement acquises aient transité par cette collection. On n'en trouve pas de trace précise dans le catalogue de la vente de cette collection en 1838. En revanche beaucoup de pièces portent des cachets de collectionneurs, certains bien identifiés comme Nicolas Viton de Saint-Allais, d'autres dont les marques (étoile par exemple) ou les cotes restent à identifier.
Février 2018
L'ASSIETTE AU BEURRE
Ms 5
Parmi les nombreux périodiques offerts à la bibliothèque de Blois par madame Villette en 2003, l'Assiette au beurreest certainement l'un des plus représentatifs de la presse satirique de la belle époque. Fondée en 1901 par Samuel Schwarz, un hongrois implanté à Paris dans les années 1880 et publiée jusqu'en 1912, cette revue tranche sur la plupart des journaux satiriques par son format, par sa mise en page privilégiant le dessin en pleine page et en couleurs, par la quasi-absence de texte et de publicité et surtout par la qualité de ses collaborateurs. L'Assiette au Beurre fait travailler en effet la crème des artistes du début du siècle comme Forain, Willette, Caran d'Ache, Steinlein, Cappiello, Jossot, Delannoy, Vallotton, Poulbot, Van Dongen.
Très vite, la revue adopte le principe de numéros thématiques, s'attaquant principalement aux trois puissances que sont l'armée, le clergé et la justice, mais stigmatisant aussi les phénomènes de société tels que la pauvreté, la crise du logement, la prostitution, le scandale du lait frelaté (déjà) et flétrissant les agissements des grands de ce monde. Le tsar Nicolas II, le roi d'Espagne Alphonse XIII, le président Kruger sont ainsi les cibles de la revue qui met en scène, de façon parfois violente, les actions contestables de ces chefs d'état. Ces prises de position valent à l'Assiette au Beurre d'être censurée à plusieurs reprises notamment le numéro 26 du 29 septembre 1901 qui est retiré de l'affichage en raison du portrait charge qu'elle donne d'Edouard VII d'Angleterre, représenté sous la forme des fesses de la perfide Albion. Le portrait sera republié avec une jupe cachant plus ou moins les traits du souverain.
D'une liberté de ton rarement atteinte dans la presse de la belle époque, L'Assiette au Beurre réalise une belle symbiose entre « violence du message et violence graphique » que l'on ne retrouvera que beaucoup plus tard dans des revues comme Hara Kiri ou Charlie Hebdo.
Février 2018
L'ASSIETTE AU BEURRE
Ms 5
Parmi les nombreux périodiques offerts à la bibliothèque de Blois par madame Villette en 2003, l'Assiette au beurreest certainement l'un des plus représentatifs de la presse satirique de la belle époque. Fondée en 1901 par Samuel Schwarz, un hongrois implanté à Paris dans les années 1880 et publiée jusqu'en 1912, cette revue tranche sur la plupart des journaux satiriques par son format, par sa mise en page privilégiant le dessin en pleine page et en couleurs, par la quasi-absence de texte et de publicité et surtout par la qualité de ses collaborateurs. L'Assiette au Beurre fait travailler en effet la crème des artistes du début du siècle comme Forain, Willette, Caran d'Ache, Steinlein, Cappiello, Jossot, Delannoy, Vallotton, Poulbot, Van Dongen.
Très vite, la revue adopte le principe de numéros thématiques, s'attaquant principalement aux trois puissances que sont l'armée, le clergé et la justice, mais stigmatisant aussi les phénomènes de société tels que la pauvreté, la crise du logement, la prostitution, le scandale du lait frelaté (déjà) et flétrissant les agissements des grands de ce monde. Le tsar Nicolas II, le roi d'Espagne Alphonse XIII, le président Kruger sont ainsi les cibles de la revue qui met en scène, de façon parfois violente, les actions contestables de ces chefs d'état. Ces prises de position valent à l'Assiette au Beurre d'être censurée à plusieurs reprises notamment le numéro 26 du 29 septembre 1901 qui est retiré de l'affichage en raison du portrait charge qu'elle donne d'Edouard VII d'Angleterre, représenté sous la forme des fesses de la perfide Albion. Le portrait sera republié avec une jupe cachant plus ou moins les traits du souverain.
D'une liberté de ton rarement atteinte dans la presse de la belle époque, L'Assiette au Beurre réalise une belle symbiose entre « violence du message et violence graphique » que l'on ne retrouvera que beaucoup plus tard dans des revues comme Hara Kiri ou Charlie Hebdo.
Février 2018
L'ASSIETTE AU BEURRE
Ms 5
Parmi les nombreux périodiques offerts à la bibliothèque de Blois par madame Villette en 2003, l'Assiette au beurreest certainement l'un des plus représentatifs de la presse satirique de la belle époque. Fondée en 1901 par Samuel Schwarz, un hongrois implanté à Paris dans les années 1880 et publiée jusqu'en 1912, cette revue tranche sur la plupart des journaux satiriques par son format, par sa mise en page privilégiant le dessin en pleine page et en couleurs, par la quasi-absence de texte et de publicité et surtout par la qualité de ses collaborateurs. L'Assiette au Beurre fait travailler en effet la crème des artistes du début du siècle comme Forain, Willette, Caran d'Ache, Steinlein, Cappiello, Jossot, Delannoy, Vallotton, Poulbot, Van Dongen.
Très vite, la revue adopte le principe de numéros thématiques, s'attaquant principalement aux trois puissances que sont l'armée, le clergé et la justice, mais stigmatisant aussi les phénomènes de société tels que la pauvreté, la crise du logement, la prostitution, le scandale du lait frelaté (déjà) et flétrissant les agissements des grands de ce monde. Le tsar Nicolas II, le roi d'Espagne Alphonse XIII, le président Kruger sont ainsi les cibles de la revue qui met en scène, de façon parfois violente, les actions contestables de ces chefs d'état. Ces prises de position valent à l'Assiette au Beurre d'être censurée à plusieurs reprises notamment le numéro 26 du 29 septembre 1901 qui est retiré de l'affichage en raison du portrait charge qu'elle donne d'Edouard VII d'Angleterre, représenté sous la forme des fesses de la perfide Albion. Le portrait sera republié avec une jupe cachant plus ou moins les traits du souverain.
D'une liberté de ton rarement atteinte dans la presse de la belle époque, L'Assiette au Beurre réalise une belle symbiose entre « violence du message et violence graphique » que l'on ne retrouvera que beaucoup plus tard dans des revues comme Hara Kiri ou Charlie Hebdo.