Moyen âge (XII-XVe siècle)
Avant l'invention de l'imprimerie, le livre se fabrique à la main.
Réalisé par des copistes qui sont presque exclusivement des religieux jusqu'au XIIIe siècle et qui peuvent être ensuite des laïcs, le livre est le plus souvent écrit sur du parchemin, peau de mouton tannée et préparée ou plus rarement de veau, peau plus fine, plus souple, plus chère aussi, que l'on nomme vélin. A partir du XIIIe siècle, le papier, venu d'orient, commence à se répandre en occident mais son usage reste encore rare pour des livres complets.
De cette manière se sont transmis les textes liturgiques (Nécrologe de Pontlevoy, Cérémonial de baptême), théologiques (Dialogues de saint Grégoire), mais aussi les grands textes littéraires de l'antiquité classique (Paraphrase d'Homère, Dits moraux de plusieurs philosophes) ou contemporains (Destruction de Troie la grant, Arbre des Batailles).
Suivant l'importance du commanditaire, le livre est plus ou moins orné. Le plus souvent les initiales constituent l'essentiel de la décoration. Des bordures, des bouts de ligne, des encadrements peuvent compléter ce décor habituel. Pour des manuscrits de plus grand luxe on peut trouver des vignettes ou des miniatures à pleine page qui rehaussent l'éclat de l'ouvrage.
XVe siècle
Si l'imprimerie, inventée autour de 1455 par Gutenberg et ses associés à Mayence, constitue une révolution dans la manière de fabriquer les livres, elle n'en modifie pas immédiatement la forme.
Cependant, à la fin du XVe siècle, le livre imprimé a presque totalement supplanté le manuscrit sauf pour les commandes de prestige destinées aux grands de ce monde. La forme que revêt ce livre imprimé s'inspire au plus près de la forme du livre manuscrit. L'écriture et la mise en page y sont semblables. L'illustration, lorsqu'il y en a, reprend les formes de l'illustration manuscrite : bandeaux, encadrements, vignettes et gravures à pleine page et bien souvent, dans les exemplaires de luxe, les enlumineurs ont rehaussé ces illustrations de vives couleurs, ce qui les apparentent à des enluminures. Certaines impressions sont même réalisées sur du vélin ce qui renforce la similitude avec le manuscrit. Comme dans les manuscrits, la mise en page peut se faire de plusieurs manières, soit "à longues lignes" (Liber chronicarum), soit en colonnes (Nouveau testament, Hortus sanitatis). Si le texte est commenté ou glosé, la glose apparaît en plus petits caractères autour du texte principal (Super libris Boetii) et chacun de ces deux niveaux de lecture, texte et glose, peut également être disposé sur deux colonnes (Institutes de Justinien). Les caractères employés diffèrent suivant les aires géographiques et selon le texte. On y retrouve les principaux types de caractères gothiques : lettre de forme, réservée aux écritures saintes, lettre de somme, que l'on retrouve entre autres dans les textes juridiques, lettre bâtarde pour les livres en langue vernaculaire (Arbre des batailles). Le romain, dérivé de l'écriture des érudits italiens, est plutôt utilisé dans la péninsule (Lettres de saint Jérôme) ou pour l'impression des textes classiques (Platon) et humanistes (Historia florentini populi).
XVIe siècle
Post incunables
Si l'historiographie a introduit une césure entre "incunables" imprimés avant 1501 et "post-incunables" imprimés après 1500, les livres ne sont pas fondamentalement différents juste avant et juste après cette date.
La vraie césure se situe plus tard, aux environs de 1520-1530. Malgré cela quelques pratiques timidement apparues dans les incunables tendent à se fixer. Les premiers incunables, suivant la tradition des manuscrits, ne possédaient pas de page de titre. Elle trouve progressivement sa forme et supplante petit à petit le colophon qui, à la fin du livre, en précisait l'identité. Le titre apparaît en premier puis le nom et la marque de l'imprimeur et en dernier lieu son adresse et la date de l'édition. Dans les premières années du XVIe siècle, certaines pages de titre présentent toutes ces données dans un encadrement orné qui annoncent les frontispices ultérieurs. D'autres nouveautés telles que la pagination qui succède à la simple numérotation des feuillets, les signatures des cahiers, le titre courant, le paragraphage et le chapîtrage, les annotations sous forme de manchettes se vulgarisent dans ces premières années du XVIe siècle.
Les années de transition
La principale innovation de ces années de transition entre 1520 et 1530, réside dans l'abandon progressif des caractères gothiques au profit des caractères romains.
Dans son Champfleury, Geoffroy Tory décrit précisément la forme et la proportion des lettres en même temps qu'il préconise l'usage de l'accentuation des lettres, de la virgule, de l'apostrophe et de la cédille. L'illustration est également rénovée avec l'emploi de bois gravés introduisant des motifs italianisants dans les bordures. A cet égard les pages de titre de cette période représentent une vraie mutation par rapport aux livres des décennies précédentes : frontispices à décor de pilastres, de colonnes ou de rinceaux introduisent un nouveau répertoire décoratif. Mais beaucoup d'ouvrages, notamment les éditions populaires (Kalendrier des bergers) restent encore fidèles à la typographie et à l'illustration anciennes et ce jusqu'à des dates parfois avancées du siècle.
Impression humanistes
La part des imprimeurs et éditeurs dans les progrès de la Renaissance est importante.
Des imprimeurs comme Alde Manuce à Venise, Robert Estienne à Paris puis à Genève, Froben à Bâle, Christophe Plantin à Anvers ont largement contribué tant à une meilleure connaissance des textes antiques et bibliques dans des éditions revues, corrigées et annotées sur les manuscrits les plus fiables, qu'à la diffusion des idées nouvelles émises par des penseurs novateurs comme Erasme, Lefèvre d'Etaples, Clichtove ou les réformateurs. Servies par des caractères d'une grande élégance et d'une parfaite lisibilité (italique d'Alde, garamond d'Estienne entre autres), les éditions humanistes se caractérisent souvent par leur format in-4° ou in-8° plus maniable que les grands in-folio et privilégiant ainsi la lecture personnelle par rapport à la lectio collective.
Livres illustrés
Jusqu'à la fin du XVIe siècle, la quasi-totalité des illustrations fait appel à la xylographie, c'est-à-dire à la gravure sur bois selon le principe de la taille d'épargne qui creuse le bois autour du trait qui, au final, apparaît en relief.
L'encrage se fait sur ces reliefs comme pour les caractères d'imprimerie. Cette technique permet d'imprimer en même temps le texte et l'image. On peut donc intégrer celle-ci dans le texte. L'illustration se limite parfois aux simples lettrines qui peuvent être de véritables petits tableaux comme les lettrines des Amours de Ronsard. Dans les ouvrages scientifiques, l'illustration s'introduit partout sous forme de vignettes (Saint-Didier, du Fouilloux) ou de grandes planches (Serlio, Delorme), parfois dépliantes (Tuccaro). Les ouvrages d'astronomie ou de mathématiques sont parfois pourvus de volvelles ou rondelles de papier qui permettent de figurer le mouvement des astres (Bassantin). Dans le dernier quart du siècle, la gravure sur cuivre en taille douce ou au burin fait son apparition dans le livre. Mais cette technique, qui demande un encrage en creux, ne permet pas d'imprimer les images en même temps que le texte. Les images sont donc le plus souvent isolées sur des planches hors texte. Plus rarement, elles sont intégrées dans le texte (de Bry) ce qui suppose deux passages de la feuille sous la presse.
XVIIe et XVIIIIe siècles
Le XVIIe siècle n'apporte pas d'élément révolutionnaire dans la conception du livre. Mais quelques nouveautés apparaissent cependant.
A Leyde, les Elzevier mettent au point le caractère qui porte leur nom, de très petit corps, qui permet d'imprimer le maximum de texte dans le minimum de place tout en restant parfaitement lisible. La beauté de leurs éditions au format de poche (in-16, in-24 voire in-32) a souvent été imitée mais rarement égalée. Dans le domaine de l'illustration, la gravure sur cuivre à l'eau-forte ou au burin supplante progressivement la gravure sur bois qui se maintient encore dans les éditions scientifiques de la première moitié du siècle (Aldrovandi, Cardan, Mersenne, della Porta). Ces gravures sur cuivre sont presque toujours des planches hors-texte qui dévoilent toute leur beauté dans les ouvrages in-folio (Bidloo, Pluvinel, Perrault, Vitruve). Plus rarement, la gravure sur cuivre est intégrée au texte (Ripa). En tête du livre, le frontispice gravé tend à remplacer la page de titre. Dans ce cas, le titre et les mentions d'éditeur et d'adresse sont gravés en même temps que l'image qui les entoure. Dans la deuxième moitié du siècle cependant, le frontispice est souvent doublé d'une page de titre qui développe largement le contenu de l'ouvrage et les noms des collaborateurs et auteurs secondaires. Le portrait de l'auteur (La Motte Le Vayer) ou du dédicataire de l'ouvrage (Senault) s'ajoute parfois au frontispice et dans la deuxième moitié du siècle le remplace bien souvent. Enfin, les manchettes, ces notes marginales qui explicitent le texte, les index et les tables des matières, apparus au siècle précédent, deviennent d'un usage courant.
XVIIIe siècle
Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, le livre reste ce qu'il était au siècle précédent.
Frontispices et pages de titre cohabitent en tête de l'ouvrage dans des compositions souvent fort élégantes. La mise en page s'agrémente de culs de lampe, de bandeaux, de vignettes, parfois d'encadrements d'esprit rocaille (Hénault) . Les grands maîtres, Boucher (Acajou et Zirphile), Oudry (Fables de La Fontaine) s'approprient l'illustration qui peut devenir le sujet même de l'ouvrage comme la Caravane du Sultan de Vien ou les grands recueils de gravure proposés par Mariette. De nouvelles techniques permettent de reproduire les dessins suivant la technique de gravure sur bois de Jean-Michel Papillon et, mieux encore, de graver en couleurs suivant le procédé mis au point par Le Blon et exploité par Gautier d'Agoty.
Mais au milieu du siècle le livre prend une nouvelle forme. Le frontispice allégorique disparaît progressivement. L'un des derniers est celui gravé pour l'Encyclopédie de D'Alembert et Diderot. Des éditeurs et des typographes renouvellent totalement l'art de la composition du livre. Baskerville à Birmingham, les Didot à Paris, Joachim Ibarra à Madrid créent des caractères d'une parfaite lisibilité en même temps qu'ils inventent une nouvelle mise en page, débarrassée des coquetteries du début du siècle. Culs de lampe, bandeaux, vignettes disparaissent au profit d'une page aérée, à grandes marges, mettant avant tout le texte en valeur. La transition ne sera pas brutale et jusqu'à la fin du siècle de nombreuses éditions conservent la mise en page et la typographie traditionnelles. Le XVIIIe siècle est aussi le siècle des grandes éditions collectives (Oeuvres complètes de Rousseau, de Voltaire, de Molière) et des grandes entreprises éditoriales comme la Collection des voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques ou le Dictionnaire encyclopédique de Panckoucke. C'est encore le siècle de la contrefaçon organisée à grande échelle, du commerce parallèle des livres imprimés aux frontières de France (Richardson) pour mieux en contourner les règlements. C'est enfin un siècle où le livre devient plus que jamais un outil de diffusion de la pensée, surtout lorsque celle-ci est subversive ou jugée telle. C'est sous le couvert de l'anonymat que les grands philosophes publient nombre de leurs œuvres (Helvétius) et c'est également sous l'anonymat que la plupart des contrefaçons sont mises en vente.
XIXe siècle
Le XIXe siècle voit s'accentuer une dichotomie, observée dans une moindre mesure au siècle précédent, entre le livre de luxe et les éditions de masse.
Une proportion grandissante de la population maîtrise la lecture. L'amélioration du niveau de vie fait que le livre devient un objet de consommation courante. On assiste donc à la fois à une production massive de livres dans des éditions populaires, souvent illustrées et à une production de luxe, souvent à visée scientifique, dans la lignée des grandes publications des siècles précédents.
Dans le même temps, les progrès techniques facilitent la fabrication d'imprimés en grande quantité et font évoluer l'aspect matériel du livre. La presse Stanhope inventée en 1795 en Angleterre puis la presse à cylindre créée par Koenig en 1814 accélèrent l'impression elle-même tandis que l'apparition de la linotype en 1885, permet une composition du livre infiniment plus rapide que la composition manuelle des siècles passés. A partir du milieu du siècle, le papier est le plus souvent un papier fait à partir de pâte de bois et non plus de chiffons, d'où une qualité et un toucher différents. L'illustration connaît également de profonds changements avec l'apparition de la lithographie (1796 en Allemagne, 1819 en France) et le retour de la gravure sur bois grâce aux travaux de Thomas Bewick (ca 1810) et avec les nombreuses techniques de reproduction par chromolithographie (1839), phototypie (1855), héliographie (1878), qui toutes permettent une multiplication des images et des exemplaires.
À côté de ces progrès techniques, le XIXe siècle voit apparaître également de nouvelles manières de diffuser le livre.
Dans les années 1840, des éditeurs comme Curmer, Furne, Aubert développent la lecture de masse au travers de genres littéraires comme les physiologies. Un peu plus tard, autour de 1850, P.J. Hetzel, Alfred Mame et Louis Hachette développent la littérature enfantine avec la création d'ouvrages spécifiquement écrits et illustrés pour les enfants comme la célèbre bibliothèque rose. Dans la même lignée, le livre de piété et le livre de prix, dont la maison Mame se fera une spécialité, avec leurs reliures de percaline dorée, sont une création spécifique du XIXe siècle. Le développement des chemins de fer entraîne la création des bibliothèques de gare, qui génère un nouveau type de livre et aussi un nouveau de type de littérature. La vulgarisation scientifique sous la Troisième République suscite des collections entières comme les encyclopédies Roret, la Bibliothèque de l'enseignement des Beaux-Arts ou la Bibliothèque des merveilles. De cette abondante production la bibliothèque de Blois possède de nombreux exemples caractéristiques.
XXe et XXIe siècles
Dans l'immense production du XXe siècle présente à la bibliothèque de Blois, nous n'avons retenu ici que les pièces patrimoniales qui ne représentent qu'une petite partie de cette production. On peut les classer en quatre catégories
Les livres de luxe prolongent la tradition typographique et éditoriale des siècles passés.
Le choix d'un papier à base de chiffons, la présence d'illustrations due à des artistes renommés et reproduites suivant des techniques artisanales de gravure ou de coloriage à la main, une typographie réalisée au la main et non à la linotype (définition : La linotype est une machine d'imprimerie qui utilise un clavier permettant une composition plus rapide des textes. Par un système automatisé, le clavier commande une tringle qui prend et place les caractères voulus sur une ligne de composition.), une reliure soignée voire signée d'un grand relieur sont les caractéristiques de ces livres, souvent édités à petit tirage et pour une clientèle de bibliophiles. De ces beaux livres, le fonds patrimonial ne possède que quelques exemplaires qui réunissent souvent plusieurs des caractéristiques énoncées ci-dessus en y ajoutant parfois une provenance prestigieuse (Larbaud, provenant de la bibliothèque d'Hitler) ou un envoi de l'auteur (Les robes de Paul Poiret, avec la double signature de Paul Poiret et de Paul Iribe).
Les livres d'artistes peuvent parfois rejoindre les livres de luxe par le choix des papiers, des techniques d'illustration ou de reliure, par la qualité de la typographie ou de la mise en page, mais la démarche n'est pas la même.
Ici prime la rencontre entre un artiste et un texte et le produit final de cette rencontre n'est pas nécessairement un livre de luxe, même s'il peut en être un. Les modes d'expression sont ici très variés que ce soit dans la forme que revêt l'ouvrage, (codex traditionnel, volumen que l'on enroule à la manière des manuscrits anciens ou livre plié en accordéon), dans les techniques illustratives (gravure, sérigraphie, dessin, peinture, coloriage, pâte de légume, découpage), dans le choix des supports (papiers de différentes sortes, carton, métal, plexiglass, tissu), dans la reliure ou l'absence de reliure, dans le format, allant du minuscule au géant, dans le rapport du livre au texte, celui-ci étant parfois très présent, parfois totalement absent, fragmentaire, voire illisible. Le livre d'artiste ne s'interdit rien et tire sa richesse de sa diversité. Il demeure en tout cas depuis les années 60 une des formes d'expression les plus originales du livre contemporain.
Dans la première moitié du XXe siècle, plusieurs éditeurs lancent des collections populaires dans le but de rapprocher la littérature du lecteur.
Publiés à bon marché sous couverture souple parfois illustrée comme dans la Collection des romans populaires, ils bénéficient également d'une illustration dans le texte qui fait appel à des artistes parfois renommés (Foujita ne dédaignera pas d'y participer) et remet à l'honneur la technique médiévale de la gravure sur bois de fil). Le Livre de demain et Le livre moderne illustré sont les collections les plus répandues. A leurs côtés, les publications de la NRF visent plus à l'excellence des textes publiés qu'à rendre le livre attractif.
La littérature spécifique à la jeunesse, apparue dans la seconde moitié du XIXe siècle, prend un essor considérable après la seconde guerre mondiale avec le spectaculaire développement de la bande dessinée puis des mangas.
Représentée à Blois par les abécédaires déjà évoqués, la littérature pour la jeunesse présente surtout, dans nos collections, des albums dus à de grands illustrateurs tels que Robida, Benjamin Rabier (Gédéon), Pinchon (Bécassine), Samivel. Un certain nombre de grands classiques de la littérature jeunesse ont été ainsi retirés des rayons de prêt où ils étaient conservés voici encore quelques années, afin de constituer un fonds représentatif de cette littérature, sans viser pour autant à l'exhaustivité.