La bibliothèque est habilitée à recevoir des legs. Comme pour les dons, les bibliothécaires se réservent le droit d'orienter vers d'autres établissements ou de refuser les legs qui ne paraîtraient pas appropriés aux collections de la bibliothèque.
Le legs Arthur Trouessart (1839-1919)
Architecte de formation, Arthur Trouëssart mène jusqu'en 1870 une carrière parisienne, collaborant aux chantiers de l'église de la Trinité et du Théâtre du Vaudeville. Lire la suite
La guerre de 1870 puis une surdité précoce le contraignent à renoncer à son métier et à venir se retirer à Blois, sa ville natale. Il consacre les trente-cinq dernières années de son existence à un formidable travail d'historien et de défenseur du patrimoine blésois. De 1885 à 1919, il amasse une invraisemblable quantité de matériaux historiques : plans, relevés, dessins, livres, photographies sur les monuments de Blois et de ses environs. Poursuivant ses travaux, il entreprend de copier les registres des délibérations municipales de Blois, puis les registres paroissiaux des six paroisses de Blois avant la Révolution, enfin la copie des articles les plus intéressants parus dans les journaux de Blois entre 1850 et 1919. A sa mort, il laisse 81 volumes de notes manuscrites, pourvus de tables alphabétiques et analytiques, qui restent une source irremplaçable pour tous les chercheurs en histoire locale. La précision quasi photographique de ses dessins et de ses plans, la rigueur de ses transcriptions, le scrupule intellectuel qui marque tous ses travaux, font de Trouessart le modèle même de l'érudit local dont l'œuvre continue de soutenir la recherche historique actuelle.
Le legs Pothée
Ancien curé de Candé, Fossé et Saint-Dyé sur Loire, l'abbé Louis Pothée (1803-1873) s'était consacré « avec une ardeur peu commune » à l'étude des livres qu'il avait réunis dans sa bibliothèque sur les sujets les plus variés.
D'après le catalogue manuscrit établi par Dupré, l'abbé Pothée avait fait un legs en faveur de la ville de Blois afin que ses livres fussent remis à la bibliothèque communale, alors installée à l'hôtel de ville. Grâce aux ex-libris posés sur les ouvrages et au catalogue de Dupré, 948 titres, représentant 1586 volumes ont pu être identifiés
Le contenu de cette bibliothèque est somme toute classique.
La théologie y tient la première place comme il se doit dans la bibliothèque d'un prêtre. La précieuse collection Migne y figure aux côtés des pères de l'Eglise, de plusieurs éditions de la Bible, (dont une Vulgate in-folio de 1675) et d'une importante collection de livres de liturgie parmi lesquels se retrouvent la plupart des livres propres au diocèse de Blois : Rituel de 1730, Breviarium Blesense de 1737, Missale Blesense de 1741, somptueusement relié en maroquin, et autres Office des ténèbres de la Semaine Sainte de 1739 ou Office du Sacré Cœur de 1738. Plus rares, plus intéressants aussi sont les deux recueils factices sur le jansénisme et sur la bulle Unigenitus que complètent les deux recueils manuscrits de poésies satiriques sur le même sujet.
Parmi les ouvrages de spiritualité, on note une série de petits in-16 ou in-24 imprimés à Cologne et joliment reliés en veau blond. Enfin Dupré signale plusieurs ouvrages remarquables par leur reliure (une Semaine Sainte à l'usage de Rome à reliure couverte de L et de fleur de lys, du règne de Louis XIII), par leur provenance (Dissertation sur Saint-Denis Aréopagyte par Dom Claude David, religieux de Saint Laumer) ou leur particularité comme cette traduction nouvelle de l'Imitation de Jésus Christ par l'abbé de Choisy « curieux pour les gravures et surtout pour celle de la page 71 ».
La jurisprudence est peu représentée avec seulement dix titres parmi lesquels on note une Coutume de Blois, édition orléanaise de 1622 et un Code civil commenté dans ses rapports avec la théologie morale de 1844.
La section « science et arts » recense parmi les ouvrages de philosophie un agréable cours de philosophie manuscrit rédigé au XVIIe siècle par Jacques Thibault, originaire de Saint-Dyé sur Loire. Les sciences naturelles réservent une belle édition gothique de l'Histoire Naturelle de Pline le jeune éditée à Paris en 1516, le Traité des vertus des plantes, manuscrit inédit (autographe ?) de Jussieu, plusieurs ouvrages de médecine comme le Régime de vivre et conservation du corps humain, Paris, Sartenas, 1561 et dans la section « Arts et métiers » la précieuse Règle des horloges imprimée à Blois en 1757.
La littérature ne présente pas de particularité notable. A coté des poètes grecs et latins dans des éditions du XVIIIe et du XIXe siècle, on trouve les grands classiques de la littérature française : Molière dans l'édition de Bret, 1804, Boileau dans une édition de 1820, La Fontaine dans l'édition Coste de 1785, Regnard, Gresset, Jean-Baptiste Rousseau (mais pas Jean-Jacques), La Henriade de Voltaire, les poèmes de Delisle et plusieurs recueils de pièces de théâtre aujourd'hui bien oubliée comme La partie de chasse d'Henri IV de Collé ou La Mort de Louis XVI de Berthevin. Plus intéressant pour le fonds local sont les deux recueils de poésies latines et françaises d'auteurs blésois où l'on trouve les noms des bibliothécaires Luzarche et Godeau, de l'abbé Mathieu, de Godet-Briare, tous médiocres versificateurs mais auteurs de pièces de circonstance souvent pittoresques (voir Le Bateau à vapeur de Matthieu) et bien caractéristiques de leur temps (voir les Élégies sur la mort de l'abbé Gable de Gaudeau et de Mathieu). La Jérusalem délivrée du Tasse et le Bourru bienfaisant de Goldoni représentent seuls les poètes italiens et le Paradis perdu de Milton ne voisine qu'avec les Principes de la morale et du goût de Pope pour représenter la poésie anglaise.
L'histoire est avec la théologie la section la mieux représentée. La géographie alors rattachée à l'histoire comprend de très nombreux récits de voyages dont les voyages de Jean Struys en Moscovie et les Voyages de Pallas en Russie, avec leur précieux atlas. Le Grand dictionnaire géographique de Bruzen de la Martinière reste aujourd'hui encore une référence tandis que l'Abrégé de l'histoire générale des voyages de Laharpe constitue une intéressante source bibliographique.
Plusieurs ouvrages du XVIe siècle illustrent l'histoire des peuples anciens : le De Bello Trojano de Dyctis de Crète, édité chez Marnef à Paris en 1560 et le Saturnalium sermoni de Juste Lipse publié en 1585 chez Plantin à Anvers en sont les plus beaux fleurons. Dupré signale comme rare la Sancti Hieronymi vita éditée à Tolède en 1597 et comme « édition princeps estimée » les Mémoires de Montluc publiée à Bordeaux chez Millanges en 1592.
L'abbé Pothée avait réuni de nombreuses pièces relatives à la Révolution Française qui constituent aujourd'hui trois recueils composés de pièces rares parmi lesquels La lanterne magique républicaine, La tasse de café sans sucre ou le Carnaval politique de 1790.
Au titre de l'histoire locale, le legs Pothée enrichit les rayons de la bibliothèque de plusieurs ouvrages devenus peu communs comme la Description de Chambord par Merle, édition in-folio de 1821, le Jugement sur les œuvres de Rabelais par Jean Bernier, l'historien de Blois ou cette histoire restée manuscrite des comtes et ducs de Vendôme.
Le legs Pothée reste l'un des plus beaux cadeaux faits à la bibliothèque de Blois au cours de son histoire.
Le legs Darneaux
Quelques années après le legs de l'abbé Pothée, la bibliothèque devait recevoir un autre legs important celui de Félix Darneaux-Berruer, ancien libraire à Blois.
La date de ce legs n'est pas connue, mais elle est postérieure à la révocation d'Alexandre Dupré en mars 1878 puisque le catalogue du legs, rédigé à la suite et sur le même cahier que le legs Pothée, est d'une autre main que celle de Dupré. L'activité de Félix Darneaux-Berruer, successeur de son père Gabriel comme libraire et imprimeur au 75 de la Grand rue (rue du Commerce actuelle) reste aujourd'hui encore mal cernée. Détenteur d'un brevet d'imprimeur lithographe obtenu en 1828, il tient, comme la plupart de ses confrères, un cabinet de lecture dont les étiquettes se retrouvent encore parfois sur les livres qu'il a légués à la bibliothèque.
D'un volume modeste, le legs ne se compose que de 40 titres regroupant 138 volumes. Le principal intérêt vient des vingt-six volumes composés par Darneaux lui-même et qu'il intitule : Galerie Universelle ancienne et moderne ou Portraits des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, avec une histoire abrégée de leur vie. Comportant 3312 portraits, la collection couvre un panorama très large de célébrités allant des auteurs de l'antiquité aux hommes en vue des années 1850-1860 qui semblent être les plus récents. Collés sans ordre, les portraits proviennent les plus souvent – hélas - de livres découpés. On reconnaît des planches tirées des Hommes illustres de Charles Perrault, des différentes éditions de l'Abrégé de l'Histoire de France de François Eudes de Mézeray, de la Biographie des Hommes du jour de Germain Sarrut, ou provenant d'ouvrages dont ces portraits constituaient le frontispice comme ce beau portrait d'Henri IV extrait de l'Historia Anatomica Humani Corporis édité en 1600. Plus rarement, on trouve des planches éditées à l'origine séparément comme la suite des portraits des hommes de guerre de Montcornet ou qui semblent avoir été diffusées en lot comme cette intéressante suite de portraits d'actrices du Théâtre français, lithographiée vers 1830. L'intérêt de la collection est multiple à la fois dans le choix des personnages représentés (hommes politiques, hommes et femmes de lettres, artistes, scientifiques, criminels, femmes du monde, militaires et ecclésiastiques) que dans les techniques de gravure qui y figurent : gravure au burin et à l'eau forte, lithographies, silhouettes, portraits au physionotrace, manière noire, presque toutes les techniques sont présentes dans cet extraordinaire panthéon de personnalité dont on regrette que leur auteur n'ait pas pris la peine de mentionner les origines bibliographiques ou les dates de publication. Telle qu'elle est, cette galerie des illustres représente une formidable source de documentation iconographique, munie de tables alphabétiques et qui demeure encore trop peu connue des lecteurs de la bibliothèque.