L'amour entre un homme fait et une femme réputée « trop jeune pour lui »; l'amour d'un peintre pour son travail ; tels sont les deux pôles de cette histoire. Il y a longtemps que j'avais envie de raconter dans un même élan, imbriquées, inséparables, une passion amoureuse, tête et sens à la dérive, et cette autre passion -à la fois quête et chemin de croix - qu'est l'aventure de la création, Je n'osais pas : ces tempêtes, les secrètes et les publiques, appartiennent à l' « empire des nuages », à ses miracles éphémères et à ses bousculades de songes. Mais le sujet me tenait au ventre et ne m'a pas lâché. Burgonde est une vedette de l' « abstraction lyrique », genre qui fit les beaux jours de ce qu'on nommait encore l'Ecole de Paris dans les années 50 et 60. Victoire est une de ces jeunes femmes inimaginables il y a trente ans : libres de ton et d'allure, capables de choisir ou de quitter un homme et d'élever seules - bravant les derniers tabous - un enfant que nulle convention ne leur a imposé. Que se passe-t-il quand Victoire et Burgonde se rencontrent, se reconnaissent, s'aiment avec l'irrépressible douceur d'une rivière descendant à la mer? Pour le raconter, j'ai eu besoin de cinquante personnages - artistes et aventuriers, riches et chambardeurs, provinciaux et cosmopolites, pieds-noirs révoltés et « barons » gaullistes - et de ces années, 1962 à 1974, où la France traversa tragédies et opulence, connut une flambée de modernisme, vit déferler les modes d'Amérique, ricaner l'avant-garde, vaciller sa société, changer ses murs. J'ai eu besoin aussi de voyager: de Provence à Paris, de Suisse à New York, des galeries de la 57, Rue aux fermes de Long Island et aux châteaux languedociens. Enfin j'ai fait s'affronter les générations. S'il n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre, il n'y a pas non plus de « démiurge » pour ses enfants. Rien qu'un homme ordinaire, un peu plus déchiré qu'un autre entre la réticence des siens, les défis de plus en plus extravagants des imposteurs de l'art, et sa passion pour une fille ardente et fière. Depuis trente ans je regarde des hommes et des femmes se débattre dans l'insoupçonnable pugilat d'une uvre à faire, tan-tôt triomphants, sûrs d'eux - tantôt au désespoir. Depuis trente ans je regarde des couples se donner de la joie, de l'amertume, du plaisir, et le monde changer, et mes enfants vieillir. C'est tout cela que j'ai jeté dans L'Empire des Nuages. A la fois les fêtes de la vie et ses paresses, le feu du désir, le parfum de la solitude, l'ambition, l'argent, l'alcool, le féroce appétit des commencements et la sagesse narquoise des épilogues. La vie est un bal, un ciel d'orage, un estuaire aux sables mouvants. Elle est aussi une formidable histoire pleine de fureur et de comique, de chimères et d'humour : un roman, en somme, un petit morceau de la comédie universelle que je voudrais avoir su raconter.
- Sujets
- Langue
- français
- Description physique
- 499 p.. 23 cm
- Date de publication
- 1981
- Espace
- Adultes