Provenances prestigieuses ou insolites
Les livres ont une histoire qui leur est propre. Entre le moment de leur fabrication et leur arrivée sur les rayons de la bibliothèque, ils ont parfois connu des destins étonnants ou des parcours insolites. Tel ouvrage, imprimé à Paris, est parti ensuite en Russie d'où il est revenu pour Blois. Beaucoup, imprimés à l'étranger (en Hollande, en Italie, en Allemagne, voire en Inde, aux Etats-Unis ou en Chine), sont arrivés à Blois par des chemins parfois détournés. L'un des livres dont on suit le mieux le parcours est le Missel mozarabe, imprimé à Tolède en 1500 à 35 exemplaires, un pour chacun des chanoines de la cathédrale de cette ville. Malgré l'interdiction faite aux chanoines de vendre ce missel, plusieurs exemplaires quittèrent Tolède dès le XVIIe siècle. L'exemplaire de Blois fut acheté pour le compte de Jean-Baptiste Colbert, passa ensuite à son fils Jacques-Nicolas, archevêque de Rouen, puis au neveu de celui-ci, Charles-Eléonore, comte de Seignelay, qui le vendit en 1728. Racheté par le comte d'Hoym, il passe sans doute ensuite par la bibliothèque du duc de La Vallière avant d'arriver dans les mains de Mgr de Thémines après 1780, puis à la bibliothèque de Blois en 1792.
Plusieurs bibliophiles célèbres sont ainsi représentés dans les collections blésoises. Les armes de Jacques-Auguste de Thou, du comte d'Hoym, de Madame de Verrue, de la marquise de Pompadour, de Mazarin ou du duc de Brancas-Lauraguais figurent sur plusieurs reliures des collections. Plus discrètes mais non moins intéressantes sont les signatures d'Etienne Baluze (1630-1718), le bibliothécaire particulier de Colbert, du parlementaire érudit Jacques Poille († en 1623) ou de la tourangelle Bonne Ruzé (ca 1545), qui se cachent à l'intérieur des livres.
Plus insolites sont les livres provenant de la bibliothèque personnelle d'Hitler et de celle de Goering, saisis après la guerre ou encore cette édition des œuvres de Rimbaud provenant de la bibliothèque de Paul Eluard, tous ouvrages passés ensuite par la collection d'André Frank qui en fit don à la ville de Blois en 1974. L'exploration méthodique des rayonnages réserve encore des surprises comme cet exemplaire des Oeuvres de Lamartine agrémenté d'un envoi autographe de l'auteur ou des Oeuvres de Celse avec un envoi d'Antoine Vanderlinden, le commentateur de Celse au XVIIe siècle, au médecin parisien Robert Patin.