Belles reliures
Si la bibliothèque de Blois ne possède à peu près aucune reliure médiévale et très peu de reliures du XXe siècle, l'échantillon, qui va du XVIe à la fin du XIXe siècle, est assez représentatif de la reliure française et parfois de la reliure étrangère.
reliures médiévales
Reliure médiévale
Quelques manuscrits ont conservé des reliures anciennes, qui ne sont peut-être pas contemporaines de leur écriture et qui peuvent remonter au XVe siècle pour les plus anciennes. Il s'agit de reliures à ais de bois recouverts de cuir. Une d'entre elles, sur une copie de l'Arbre des Batailles, est estampée à froid et possède une curieuse étiquette de titre, sans doute rapportée ultérieurement. Une autre, sur le Nécrologe de Pontlevoy, a conservé un fermoir en cuir se fermant sur un boulon au centre du plat supérieur. Une reliure enfin a conservé un très beau décor à compartiments en partie doré, réalisé pour l'ordre des Célestins.
reliures du XVIe siècle
Reliures du XVIe siècle
Pour le XVIe siècle, on notera d'abord un petit ensemble de reliures estampées à froid dont le décor en bandes verticales reprend des éléments décoratifs tels que les candélabres, mis à la mode dès la fin du XVe siècle dans l'architecture. Ces éléments décoratifs perdurent en France jusque dans les années 1530-1540. Apparait à cette époque un type de reliure à décor d'entrelacs géométriques basé sur un losange central encadré de filets et agrémenté de petits fers (poinçons). Ce décor, adopté entre autres par le relieur Claude de Piques et par le collectionneur Jean Grolier, est représenté à Blois par une belle reliure (hélas endommagée et restaurée) sur une édition du Nouveau Testament en français éditée à Neuchâtel par l'imprimeur réformé Pierre de Wingles en 1534.
Plus modestement, la plupart des reliures soignées de la seconde moitié du XVIe siècle sont ornées d'un médaillon central, encadré ou non par des filets ou par une couronne de feuillages en ovale. Le nom du propriétaire est parfois porté sur les plats comme sur cette édition des Cinq livres de chirurgie d'Ambroise Paré, reliée pour un nommé Jehan Jesson (ou Iesson).
Dans les années 1580 apparaît un décor plus complexe, que le XIXe siècle baptisera "à la fanfare". Un petit groupe de sept reliures illustre bien ce décor foisonnant, fait de filets dessinant des compartiments, ceux-ci étant ou non remplis de rinceaux et de feuillages, et encadrant un médaillon central, ici représentant la crucifixion tandis que le dos est frappé aux armes royales. Ce type de décor, longtemps attribué à la seule bibliothèque personnelle d'Henri III, est désormais attribué également aux bibliothèques de l'entourage royal et sort probablement des mains de l'atelier des Eve, dynastie de relieurs parisiens active de 1575 à 1635.
Un autre type de reliure, hérité du moyen âge, perdure jusqu'au milieu voire la fin du XVIe siècle : la reliure à ais de bois recouverte d'une peau (de truie le plus souvent) estampée à froid. On peut signaler à ce titre la belle reliure recouvrant les Oeuvres de Pétrarque (Bâle, 1554) et surtout celle recouvrant le Dictionnarium latino germanicum de Dasypodius (Strasbourg, 1596) dont la plaque à l'effigie de l'empereur Maximilien témoigne de la persistance tardive de ce type de reliure dans les pays germaniques.
Les reliures "à la grecque" caractérisées par leur coiffes surdimensionnées et leur tranchefiles très travaillées ont été mises à la mode dans l'atelier des relieurs royaux au milieu du siècle. Elles sont représentées à Blois par les trois tomes des Oeuvres de Pontanus (Venise : Alde, 1519), qui ont également conservé leurs fermoirs en cuir tressé.
Beaucoup plus rare est la reliure d'un livre d'heures lyonnais de 1558 dont le décor estampé, doré et peint, assez spectaculaire, est sans doute parisien et contemporain de l'édition.
Plus rare encore est cette petite reliure à décor macabre dont la surface est semée de losanges alternant monogrammes H, D et Y et têtes de mort et dont l'encadrement présente tous les attributs de la passion du Christ : couronne d'épine, voile de Véronique, lance, clous etc. Ce décor aux instruments de la passion se retrouve, de manière moins ostentatoire, sur deux reliures, l'une dorée l'autre estampée à froid, dont le motif central, presque identique de l'une à l'autre reliure, reprend le thème de la croix accompagnée de l'échelle, de la lance et de plusieurs autres attributs de la passion comme le coq ou les dés.
Ces différents modèles de reliure très ornés restent toutefois exceptionnels ; la majorité des reliures du XVIe conservées à Blois sont des reliures en vélin ou en peau de truie sans aucun décor et parfois même sans ais de bois ou de carton.
reliures classiques
Reliures classiques
Au XVIIe siècle, les reliures courantes, notamment les reliures faites pour les communautés religieuses, continuent d'adopter des couvrures en vélin ou en peau de truie. Mais chez les bibliophiles apparaissent les reliures aux armes parmi lesquelles on note celles de Jacques Auguste de Thou (1553-1617), l'un des grands bibliophiles de son temps. La première moitié du siècle est marqué par des reliures au décor abondant "à l'éventail" ou avec des semés de fleurs de lys encadrant des armoiries ou un médaillon central. A ces décors ostentatoires, où l'effet prime parfois sur le bon goût, se substitue, dans la seconde moitié du siècle, les décors de filets cantonnés de fleurons dits "à la Du Seuil", bien que le relieur du Seuil ait vécu bien après l'apparition de ces décors. Beaucoup plus rare est la reliure en maroquin rouge à décor radiant formé de petits filets parallèles et se rétrécissant vers le centre recouvrant les Oeuvres poétiques de l'abbé Bertaut. On trouve également quelques vélins dorés comme cette curieuse reliure effectuée pour le marquis de Rostaing sur les ouvrages dont il avait commandité l'écriture. La seconde moitié du siècle est représentée à Blois par plusieurs belles reliures aux armes, sobrement encadrées d'un triple filet droit, comme les reliures provenant des collections Colbert. Parfois les filets s'infléchissent en courbes en leur centre comme dans ces belles reliures réalisées pour le collectionneur Hélie du Fresnoy dans les années 1670.
La majeure partie des reliures XVIIIe siècle conservée à Blois est composée de reliures courantes en veau, marbré ou non, dont les dos sont médiocrement ornés de petits motifs floraux ou pas ornés du tout. Mais à côté de ces productions stéréotypées, une part importante est constituée par les reliures commandées ou réunies par Mgr de Thémines dans les années 1770-1790 et dont les caractéristiques sont une des constantes de sa collection. Les plus nombreuses de ces reliures sont couvertes en basane brune et doublées d'un papier d'un intense bleu de Prusse. D'autres sont couvertes en veau blond glacé et accompagnées d'un très curieux papier marbré dans les tons de rose, vert et jaune, encore rare à cette époque. Les plus rares reliures sont en maroquin, le plus souvent rouge, mais on trouve également des maroquins bleus, verts, noirs ou citron. Mgr de Thémines réservait ces reliures de luxe aux éditions les plus précieuses. A côté de ces reliures françaises, Mgr de Thémines a réuni des reliures hollandaises, le plus souvent en vélin et parfois ornées des armes de villes comme Amsterdam ou La Haye, des reliures italiennes, également en vélin mais d'un style très différent, et quelques reliures anglaises et germaniques dont le style archaïsant, (ais de bois, fermoirs, estampage à froid) tranche sur la modernité des reliures françaises de la même époque. Les reliures antérieures à Mgr de Thémines et réunies par lui présentent quelques beaux décors "à la dentelle" dont certains sortis des mains des Padeloup et des Derome, qui comptent parmi les plus grands relieurs parisiens du XVIIIe siècle.
reliures artisanale
De la reliure artisanale à la reliure industrielle
Le XIXe siècle poursuit une tradition de reliure artisanale en cuir ou demi-reliure dont le dos seul est en cuir, les plats étant couverts en papier. Les fers ornant les dos présentent des motifs d'urnes ou de palmes. Beaucoup de ces demi-reliures ont été faites pour Mgr de Sausin, évêque de Blois de 1823 à 1844. Quelques ateliers parisiens sont représentés dans les collections de Blois comme Thouvenin, Germain-Simier, relieur du roi, Lanscelin ou Thierry, successeur de Petit-Simier. Des décors de palmettes et de rosaces et un très beau décor "à la cathédrale" illustrent la période romantique de ces reliures en plein cuir. Quelques reliures ont été spécifiquement faites pour la bibliothèque de Blois comme cette spectaculaire reliure en maroquin violet signée de Bruillon et datée 1852 sur la Bible de Didot (1785). A noter aussi les deux volumes reliés en cuir vert poudré d'or pour l'écrivain et grand bibliophile René Charles de Pixerécourt (1773-1844). A côté de ces reliures de luxe se développent les reliures industrielles ou reliures d'éditeur qui, le plus souvent, ne sont plus en cuir mais en carton ou en percaline. Recouvrant des livres de prix ou de piété, plus tard des livres d'éducation populaire ou de vulgarisation scientifique, ces reliures sont presque toujours ornées de motifs très décoratifs, le plus souvent dorés et parfois rehaussés de couleur, dont l'apparence luxueuse est un peu tapageuse mais dont le charme ne s'est pas estompé. Les motifs en sont extrêmement variés, le plus souvent en rapport avec le contenu du livre. Les éditeurs n'ont pas hésité à s'adresser aux plus grands illustrateurs pour faire graver les plaques destinées à la dorure. C'est ainsi que des décors sont signés de Grandville, de Gavarni ou de Robida pour des reliures recouvrant leurs oeuvres.
Le XXe siècle n'est représenté dans les livres de la bibliothèque que par trois reliures mais elles sont très intéressantes : une reliure anonyme en chevreau blanc estampée et dorée, une reliure mosaïquée signée Madeleine Gras et une troisième reliure, également mosaïquée signée A.J. Gonon et datée de 1942, toutes trois caractéristiques de l'art de la reliure dans la première moitié du XXe siècle.
Enfin les livres d'artistes développent souvent des solutions originales dans le domaine de la reliure, que ce soit dans le choix des matériaux (bois, papier, carton, grillage, plexiglass) ou dans leur mise en oeuvre.